Sans doute l’ignorez-vous (mais il n’est jamais trop tard pour bien faire), notre bonne ville de Nantes détient un trésor que le monde pourrait bien nous envier.
Installé depuis bientôt 20 ans aux commandes du vaisseau amiral Malted Milk, Arnaud Fradin avec son toucher de guitare et un grain de voix rigoureusement authentiques, incarne mieux que quiconque avant lui, le son du Blues originel dans notre beau pays. Du reste, nos amis américains ne s’y sont pas trompés. Pour preuve, des collaborations avec des artistes d’Outre-Atlantique, dont la dernière en date avec la diva Toni Green. Je vous recommande très chaudement de visionner le passage de l’ouragan Milk & Green sur le plateau de Canal+ pour comprendre que ces gens-là ne plaisantent pas du tout. Certes, aujourd’hui Malted Milk est une luxueuse limousine avec toutes les options (cuivres, clavier, choristes) dédiée à la Soul et au Rhythm & Blues. Pourtant, Arnaud Fradin n’en n’oublie pas ses premiers amours et les racines de la musique de son cœur.
Avec Steady Rollin’ Man, premier album 12 titres de Arnaud Fradin & His Roots Combo, le Nantais nous propose ici un retour aux sources, dans un monde où la fée électricité serait (presque) aux abonnés absents.
Mieux qu’une collection, il s’agit là d’un véritable voyage. L’entrée en matière est on ne peut plus symbolique, avec le standard éponyme de Robert Johnson, ici dans une version totalement chaloupée où la guitare prend des accents de kora et les mots du maître des airs de complainte d’un griot africain. On poursuit notre périple en traversant l’Atlantique vers le Mississippi Delta fondateur, puis une version sublime de If I Get Lucky (JB Lenoir) douce comme une chaude soirée d’été dans le Sud des Etats-Unis, assis sur la balancelle d’une terrasse à siroter un thé glacé en regardant le soleil couchant. On enchaîne avec une version de I Can’t Judge Nobody (Otis « Smokey » Smothers) en duo au chant avec Laurence Le Bacon. Plus loin, la guitare amplifiée fait son apparition sur une version au groove dantesque de Big Mama’s Door (Alvin Youngblood Hart) comme quoi même les bluesmen « modernes » peuvent avoir une saveur typiquement roots. La surprise du chef arrive avec le picking de Don’t Think Twice It’s All Right de Bob Dylan, dixième titre et unique pièce non traditionnellement Blues de cet l’album. Notre itinéraire s’achève presque au bout du fleuve à Chicago avec le Good Morning Love de Luther Allison.
Répertoire rôdé en duo sur la route avec son fidèle complice Thomas Troussier (harmonica), les versions de l’album sont ici accompagnées des arrangements délicats d’Igor Pichon (contrebasse) et de Richard Housset (percussions). On notera également la qualité de la réalisation à la fois simple et subtile, mise en son par Arnaud Fradin lui-même, puisque l’illusion est donnée à l’auditeur qu’il se trouve au beau milieu des musiciens. Quand on sait que l’ensemble a été enregistré en conditions live, cela vous laisse imaginer le vertige quant à la qualité de ce très grand disque, qui enchantera les spécialistes du genre comme les néophytes.
A noter également que l’album sort chez Mojo Hand Records tout nouveau label, sur lequel on retrouve les bordelais The Possums et accompagné par L’Autre Distribution.
Enfin, si vous souhaitez goûter à l’ampleur du phénomène en conditions réelles, ne manquez sous aucun prétexte la soirée des 20 ans de Malted Milk qui se déroulera le 1er décembre prochain à Stereolux.
Photo bandeau : Arnaud Fradin & hos Roots Combo – Aurélie Piel
Site ARNAUD FRADIN & HIS ROOTS COMBO