Nouvelle émergence dans un parcours musical en pointillé, la narratrice-chanteuse Babette Largo livre un album qui, s’il n’est pas « concept », procède d’une logique interne rare. On pourrait se méfier d’un disque d’une artiste plus familière de la scène et de la rencontre (à découvrir sans délai au Pannonica ce 3 mai à l’invitation de la Bouche d’air) que du studio. Inutile car, avec ses compères François Athimon et François Luçon, elle réalise un beau parcours sonore qui monte par degrés de chanson en chanson jusqu’au dernier quart d’heure d’écoute, entièrement mis en musique par François Athimon et qui s’ouvre sur l’adaptation par elle d’un texte du poète tragique H. von Kleist : Le Monologue de Méroë. Le compositeur a su prolonger ce moment de tension dramatique dans les deux chansons suivantes qui viennent ainsi clore l’album avec intelligence et sensibilité.
Mais revenons au commencement. La Mélodie des choses s’ouvre sur une rumba-rock, L’éventail, où la musique de Sophie Kay porte à merveille le texte de Babette Largo que celle-ci chante dans un registre qui la rapproche de Guesh Patty ou d’Adrienne Pauly (qui ne sont pas des références pour elle à en croire l’interview publiée sur ce même site), voire de Lhasa de Sela, que la chanteuse porte en grande estime. Timbre rauque, diction précise, dès le premier moment la personnalité vocale de Babette Largo s’impose. Et les écrins de guitares saturées, de sons synthétiques et de percussions lui collent parfaitement.
Au fil des plages, si les compositeurs (parmi eux son ami Nicolas Jules) qui mettent en musique les textes de l’Artiste changent, le climat musical est d’une belle cohérence. Pas de bric-à-brac sonore dans ce disque dense. La réalisation de François Athimon et l’oreille finale de Matthieu Ballet ont fait le job !
Régulièrement, les chansons procèdent par montées en tension. Ainsi, dans « Les amours mobiles » où l’ostinato de guitare nous conduit, dans un climat qui rappelle Florent Marchet, vers l’acmé d’un solo de clarinette. Ainsi aussi dans Femme mystère où le texte précieux de Babette Largo monte, subtil, vers une séquence lyrique portée par le cor de Clémence Allirol-Binet. Dès lors, Babette Largo nous a entrainés dans son univers poétique, lyrique et intime. Et le parcours continu en passant par un texte en espagnol (Las simples cosas, que Babette Largo ne signe pas) qui flotte dans les réverbérations de guitares, comme un tango aventureux qui vient se noyer dans un océan de trémolos ou ce On the bridge en anglais qui rappelle les atmosphères méditatives de certaines ballades de Tom Waits.
Un seul regret, et il est mince : Pas de texte dans le livret. Alors, il faudra écouter et réécouter ces chansons pour en savourer les paroles, pesées et légères, et entrer dans la mélodie des choses…
Photo bandeau- Babette Largo © DR