Installée à Nantes depuis longtemps, Claire Redor, qui avait commencé une carrière d’artisan d’art tout en écrivant et jouant ses chansons dans son salon, a vu bifurquer sa vie vers ces dernières. Les modelages délaissés ont laissé place à des chansons d’artisan modelées finement, où rien ne relève de la recette et tout d’une intimité qui du salon familial passe ce 5 novembre à la scène du Pannonica pour la sortie de son second EP « Ainsi la nuit ». Bien sûr, des scènes, elle en a vu d’autres déjà, et c’est sûrement pour cela qu’André Hisse lui a fait la confiance de l’installer, dans la programmation de la Bouche d’air, derrière ce piano là. Quelques questions à quelques jours du grand jour.
Photo bandeau : Claire Redor © DR
Ce 5 novembre, tu seras en compagnie du violoncelliste Erwan Martinerie. Parle-nous de ce partenaire, de ceux qui l’ont précédé ou qui soutiennent ton projet.
J’ai d’abord cheminé seule, puis avec une violoncelliste déjà à l’époque. Ensuite, le guitariste Christophe Pays et Erwan Martinerie m’ont rejointe et nous avons enregistré le premier EP sorti en janvier 2014. Christophe est parti vers ses propres projets et le duo a pris son essor, encouragé par Hugues Pluviôse. Il est notre soutien « logistique » et surtout notre première oreille. Dans l’EP, il y a une courte apparition de XM, un être auquel je tiens, et de Samir Barris, un compagnon de route de longue date qui a écrit la musique de l’une des chansons, « Bonnes vacances ». A ceux-là, il faut ajouter celui qui accompagne la mise en plateau que nous avons travaillé la semaine dernière au Pannonica, dans le cadre de la résidence Bouche d’air/Trempolino : Damien Dutrait. C’est un comédien, chanteur, auteur qui m’a aidé dans le geste de déposer mes chansons devant le public, dans le respect de leur caractère intime et sans effet. Il m’a aidé à « confirmer la palette des couleurs » de mes chansons.
Tu parles de compagnie, qu’en est-il des artistes avec lesquels tu chemines depuis quelques années ?
C’est Samir Barris qui m’a conviée à un workshop d’écriture, chansonnière mais pas que, dans le sud de la France, il y a quelques années. JereM l’organisait, sous l’influence de ce que Jérôme « Ignatus » Rousseau faisait déjà. Là, j’ai rencontré le duo Vérone, Chloé Lacan et Sammy Decoster, entre autres. Depuis, nous nous sommes fréquemment retrouvés, pour écrire, pour jouer sur scène aussi. Cette chanson française « underground » (NDLR : comme la qualifie Loraine de Paris) s’organise et fait circuler, de petites scènes en concerts privés ou dans des lieux inhabituels, les créateurs avec lesquels je m’associe. C’est une façon de briser la solitude dans laquelle nous évoluons souvent et nous nous retrouvons, dans une atmosphère bienveillante. Il y a aussi Facteur Chevaux, un duo formé de Sammy Decoster et de la moitié masculine de Vérone, Fabien Guidollet. Et puis, nous avons la chance de nous retrouver, à la sortie de l’école de nos enfants, avec Gaëtan Châtaigner, musicien, cinéaste qui sera là ce 5 novembre et tournera une vidéo de ce concert au Pannonica.
Parlons de tes chansons et de ton interprétation. Tu en évoques le caractère intime mais derrière ces suspensions, ces ellipses, cette voix presque chuchotée, il y a des tensions, voire des ruptures et des violences évoquées.
Oui, je chante sans effet, sur le disque comme à la scène, afin de porter le texte de manière à être au plus proche du moment de l’écriture, comme une lecture à voix haute. La voix que j’ai envie de faire entendre c’est la voix intérieure, celle qui réfléchi, qui divague, qui se pose pour écrire. Il se pourrait que ce mouvement trouve son illustration aussi par le seul dispositif scénique que j’ai choisi d’installer sur le plateau du Pannonica, les créations aériennes et gracieuses d’Hélène Millot (Atelier bon vent). Tout comme j’ai demandé à Fanny Cavin d’illustrer la pochette de l’EP. Chaque élément choisi, demandé, vient s’associer sciemment au sens des chansons que je porte.
Au terme de cet entretien, j’aimerais que tu parles des artistes qui t’ont imprégnée, tes influences, ton Panthéon personnel.
Pour commencer, je dirais les Beatles et en particulier la chanson « A day in the life ». Et puis, quand je fouillais dans la discothèque parentale, j’ai découvert Anne Sylvestre et je l’ai beaucoup écouté. Elle a soutenue, sans le savoir, mon désir secret d’écrire. Mon écriture est beaucoup plus elliptique mais elle m’a donné l’envie de trouver ma langue. Aujourd’hui, je chéri celle de Franck Monnet aussi. Et puis, j’ai découvert il y a peu la poésie d’Hélène Cadou, l’épouse de René-Guy Cadou. Je me sens intéressée par les femmes artistes. Quelle place, quelle liberté ont-elles réussi à prendre ? C’est un enjeu d’être mère, femme, et c’est une place qui n’est pas complètement faite dans notre monde. Au delà de la poésie, l’influence des compositeurs que j’ai travaillé dans ma jeunesse a du compter. Mes amis musiciens m’ont dit un jour qu’une de mes chansons leur rappelait Debussy ou Ravel. Les changements de couleur, les ruptures harmoniques de Ravel ont du influencer ma façon de structurer ma musique.