DEBOUT AU LIEU UNIQUE : LIVE REPORT

Arrivée fin mars, la scène musicale nantaise laisse l’hiver loin derrière elle, voilà l’occasion pour les amoureux du rock de se retrouver au LU et de participer à la session Debout du festival Assis ! Debout ! Couché ! Festival qui marque l’entrée dans la saison printanière de la programmation du Lieu Unique, au fil de quatre soirées où se rencontrent des sons éclectiques, du rock à l’électro en passant par l’ambiant expérimentale. Ce jeudi 26 au soir, la prog’ nous annonce du rock psyché, agrémenté de californien, avec un soupçon de déambulation spatiale en forme d’OVNI sonore.

20h30 : Début du show, pendant que Prieur de la Marne passe des tunes dans le hall blindé du LU, La Hell Gang venant du Chili balance ses riffs de guitare électrique acérés entre deux sessions langoureuses de psyché rock bien équilibrées. La scène est haut perchée et le monde afflue doucement dans la salle. Il faut dire que la suite de la soirée annonce du lourd, voire du très lourd, et rare de surcroît ! La tête d’affiche, Genesis P-Orridge et son groupe Psychic TV, est programmée pour minuit vingt, la patience est de rigueur malgré les trois autres sessions prévues avant leur set.

La foule est hétéroclite, ce qui donne tout son charme à ce festival. Le LU s’institue comme la scène nationale de Nantes et nous ne pouvons pas dénier ce fait : les Nantais s’y amassent quelque soit leur style de prédilection et leurs types de coiffures. Bon, la prog’ de ce soir dirige un tant soit peu la sélection des mœurs, et la moyenne d’âge est de 35-40 ans, jeans, vestes en cuir ou blaser, majoritairement masculin. L’éclectisme se situe davantage au niveau de la fraction jeune de la fosse, assez peu nombreuse mais visible – pas de hipster mais du féru de black métal, en mode gothique, des costumes noirs et atypiques sur des corps troués, rasés et tatoués. La Hell Gang met en jambes, ça commence à sautiller près des barrières séparant le public de la scène… Puis c’est au tour de Grand Blanc de faire son show, en attendant les techniciens aménagent la scène. C’est le moment adéquat pour aller se ressourcer au bar.

grand blanc

Retour dans la salle du rez-de-chaussée du LU, noire de monde. La formation Grand Blanc a entamé son set sur une ambiance chaude et décalée. Spots de lumières et vapeurs bleuâtres inondent la scène. Les chants alternés du guitariste et du clavier touchent à la corde sensible, on y entrevoit des influences diverses : du rock français des années 90 aux sons psyché UK et californien. Ça déboite un max, tant l’énergie que le groupe transmet sonne juste. Ils ont la wouach, notamment au niveau rythmique : une base tonique électro donne le ton d’un flot saccadé, fort et puissant. Le beat est soutenu par les envolées psyché de la chanteuse au clavier, alternant le chant avec le guitariste, enchaînant les riffs, les mélodies et les paroles poignantes. Grand Blanc développe une identité forte, par laquelle on se laisse entraîner avec aisance. L’énergie et le plaisir que les musiciens prennent à jouer sur scène se diffusent presque électriquement à la fosse qui leur fait face. Leur set passe vite, comme toutes les bonnes choses, la suite à venir doit se mettre au niveau car la salle est déjà largement ambiancée.

etienne jaumet

Etienne Jaumet. Comment dire ?… OVNI pacifique que l’on accueillerait bien facilement sur la planète nantaise, quelque soit le lieu, ou le moment. Découvrir cet artiste sur scène s’inscrit comme une aventure chanceuse. Il semble avoir mis le public, présent au LU ce jeudi soir, sur une même strate rêveuse et enchantée. Jaumet s’installe au centre de ses machines, illuminé par une lumière orange psychédélique rehaussée par le gong décorant son cube instrumental, traversé de multiples jacks et autres branchements électriques. Le son qu’il propulse n’est pas enregistré à l’avance, il « joue » directement. Le tempo fluctue, les bruits se font musique, le concept de l’expérimentale prend alors tout son sens. Seul instrument brut utilisé par le musicien : le saxophone ; il apporte une touche jazzy et burlesque à cet électro-orchestre en solo, dont la douceur ne peut être démentie. Etienne Jaumet interagit avec la salle de manière spontanée, sa fraîcheur trouble par sa capacité communicative… L’ensemble du show, aussi bien l’artiste que la musique qu’il joue, transpire d’une humanité qui manque peut-être trop souvent. Et quitte à ce que ces lignes paraissent mielleuses, il est tout de même bon de noter les sensations d’envoûtement que produit l’univers d’Etienne Jaumet au travers de son nuage surréaliste.

psychictv bleue

Il est minuit passé, les techniciens et autres intermittents du spectacle s’affairent sur scène afin de mettre en place les instruments pour Psychic TV/PTV3. Certains spectateurs ne sont venus que pour cela, voir Genesis P-Orridge en live. En matière d’artiste extra-ordinaire, il se place bien en haut de la pyramide. Et dès les premières notes lancées par son groupe from UK, les mouvements s’accentuent parmi le public massif et dense. L’univers de Psychic TV se cale entre le mouvement hippie et la vague surréaliste, avec une pointe de beat generation pour assaisonner l’ensemble. Le rock qu’ils propulsent reste inclassifiable, bien que le terme psychédélique vienne à la bouche spontanément. Visuellement le show embarque vers des trips chamaniques à base hallucinatoire. La grande toile surplombant la scène accueille des images aux couleurs débordant des fréquences habituelles. Formes géométriques mouvantes, cercles à l’allures de mandalas, et cette sacrée croix qui fait l’identité visuelle de Psychic TV alternent tout au long du set. Le charisme du lead vocal est impressionnant. La cohésion entre les musiciens produit une pulsation fluide, l’énergie qu’ils émettent se ressent au travers du son. Genesis P-Orridge au micro alterne son flot, il chante jusqu’à saturation pour ensuite toaster, et nous raconter l’histoire du serpent dont le groupe s’inspire à ce moment. On est plongé dans un univers désertique, aux résonances de tambours indiens, le serpent en tant qu’animal totem, force animiste qui transforme la vision du monde. Entre deux autres morceaux, il s’adresse à la foule comme un prédicateur en alertant à propos des puissants qui détiennent leur pouvoir que par la croyance que les peuples leurs accordent. Le mélange des paroles fortes et de la musique aérienne psyché développe un effet de transe, alimenté par la mise en scène colorée et hypnotique.

La salle est en prise aux soubresauts, un pogo s ‘anime près de la scène, on est tous debout. Le contraire serait bien étonnant, vu la qualité des inputs sensibles que Psychic TV/PTV3 nous balance au cours de cette fin de soirée ! La deuxième station de Assis ! Debout ! Couché ! a donné le ton pour la suite du festival, pour une envolée spatiale qui sonne juste !

Crédit photos: Morgane Lesné

Rédactrice, amatrice de musiques électroniques et d'arts interactifs, je me passionne pour les pratiques culturelles émergentes de la société contemporaine.

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