Soyons franc, je commençais à m’inquiéter un peu pour l’avenir d’Eagles Gift… Pour ce groupe formé dans l’urgence durant l’été 2013, en plein revival psyché, les choses sont allées vite, très vite, tellement vite que personne ne s’attendait à devoir poireauter presque trois ans pour la sortie de ce second album. Tout relevait jusqu’alors du scénario idéal : un premier album éponyme plus que prometteur, enregistré en seulement quelques semaines, une invitation au festival Levitation d’Austin au printemps 2014, aux Transmusicales de Rennes, et la mise en chantier cette même année d’un second disque sous la houlette de Brett Orrison, l’ingénieur-son des Black Angels… Pressés les Eagles Gift ? Non, perfectionnistes. Voilà un gang parti sur les chapeaux de roue mais s’offrant le luxe durant les deux années suivantes de ré-enregistrer l’intégralité de ses nouveaux titres (merci Brett, t’es sympa, mais on va plutôt tout refaire nous-mêmes chez nous à Angers…), de faire tourner ses différents membres au sein d’autres formations (The Blind Suns, San Carol, Sheraf, VedeTT), de donner des concerts sous son propre nom au compte goutte, puis de débouler à nouveau dans l’arène pour nous assener le coup de grâce… Beaucoup se seraient perdus en chemin. Pas eux… An Astral Journey est avant tout le reflet d’un groupe arrivé à maturité (Quelle expression épouvantable, pourtant, quand on y songe… C’est bien de rock dont il est question ici, non ?). Un disque où la somme des expériences, studio et live, se conjugue pour le meilleur. On retrouve ici avec Awakening (quelle intro !), Say It Again ou Morning Anxiety les ambiances cinématographiques version « desert trip », entre les délires de Tarantino et le western spaghetti, qui caractérisaient déjà certains morceaux du premier disque. Des visions de cactus dans le soleil couchant, de villes fantômes, de bikers roulant dans la poussière et d’aigles tournoyant sous les cadavres de buffles… Neuf titres en forme de cachet d’acide où l’univers des 13th Floor Elevator, des Black Angels (oui, encore eux) et de Black Rebel Motorcycle Club ne constitue plus désormais que le simple cadre d’un tableau inédit aux couleurs tantôt flashy, tantôt délavées, et sur lequel vient souffler le vent d’une liberté totale. Liberté des grands espaces. Sonores ou visuels. Liberté de perdre pied dans l’onirisme absolu de Pythia In The Barn, dans le brouillard de ce Nightwalker presque cold wave, aux accents à la fois morbides et incantatoires, ou en territoires plus familiers, à l’image d’un Drifting Away sous forte influence Allah Las, et de Charlie’s Violence, psycho rock épileptique sélectionné pour la B.O du nouveau film de Jodorowsky, ultime cadeau fait à un groupe ayant déjà beaucoup reçu et prêt aujourd’hui à beaucoup donner…
Photo bandeau : Eagles Gift ©Subba-Cultcha