EUROFONIK : TISSER L’EUROPE MUSICALE

Ce 4è périple musical au pays des mondes d’Europe s’avère plutôt passionnant et réjouissant. Voilà bien des espaces-temps qui vont vous convier aux voyages musicaux et culturels, à la découverte, à la curiosité… De nouveaux partenaires, un fort coup de projecteur sur les femmes, une programmation axée plus encore sur la découverte, Eurofonik devient un véritable rendez-vous à part pour la métropole nantaise, un rendez-vous Européen. Sylvain Girault nous en dit plus sur ce nouveau cap…

Photo bandeau : Maria Simoglu © Ilias Hatzaki

Eurofonik en 2016, changement de cap, de nouveaux partenaires (Stereolux, Soufflerie, CSC Bellevue). Faciles à convaincre ces partenaires ?
Plutôt oui. La Soufflerie bien sûr parce que le concert s’inscrit dans un partenariat de longue date entre Le Nouveau Pavillon et l’ARC de Rezé devenue « La Soufflerie », sous la forme d’un aller-retour : on co-organise deux concerts que l’on inscrit dans nos deux saisons, l’un se déroule à Bouguenais l’autre à Rezé. J’ai simplement demandé à Maurice Cosson s’il acceptait que le concert de Rezé s’inscrive dans la prog d’Eurofonik. Il a accepté sans problème.
Le centre socioculturel de Bellevue bénéficie d’une très belle salle et mène depuis quelques temps une action de diffusion en direction des familles. Isabelle Brunet et Philippe Chmura ont accepté de s’inscrire dans le festival car ils ont été sensibles à l’idée d’une après-midi orientée « découverte », éducation populaire dans le bon sens du terme et aussi axée sur la diversité culturelle.
Quant à Stereolux, Éric Boistard et Jean-Michel Dupas nous ont accueilli à bras ouverts. Pour en avoir discuté avec eux, je pense qu’il y a plusieurs raisons à cela. D’abord il y a une estime mutuelle car Le Nouveau Pavillon vient comme eux du « militantisme/activisme culturel » et non de l’institutionnel. Il y aussi le cousinage avec les fameux « Fest-Noz System » de l’Olympic organisés dans les années 90 avec Yves Averty et Rachid Bara. Ensuite, Stereolux est assez sensible à la dimension « européenne ». Quand Jean-Michel dédie une soirée à la scène suisse par exemple, c’est significatif d’une volonté de sortir du seul tropisme anglo-saxon. Et je dirais aussi que Stereolux accordait assez peu de place aux « nouvelles musiques trad’ » et que cette soirée est l’occasion de mettre davantage à l’honneur ces artistes qui relèvent aussi des musiques actuelles.

Ce cap artistique reste le même, les musiques trad’actuelles, tu parles aussi de rencontres transeuropéennes, une thématique qui peut résonner fort ces temps-ci, comment décris-tu ces fusions, ces éclairages sur l’oralité contemporaine ?
Je me suis aperçu depuis la création du festival en 2012 qu’il n’était pas forcément toujours aisé de trouver des propositions artistiques intéressantes mêlant des artistes de différents pays européens. Si je prends l’exemple de la Bretagne, l’une des régions les plus dynamiques en Europe dans ces musiques, les initiatives croisant la musique bretonne avec la musique indienne, les musiques africaines, les musiques orientales, le baroque, le rock, l’électro, etc. sont légion. Mais les expériences croisant la musique bretonne avec les musiques scandinaves, italiennes, portugaises ou grecques sont quasi-inexistantes.
Cette année, je programme Voyage de Nuit le 9 mars à la Cité des congrès. C’est un projet autour de la chanteuse-flûtiste Nuala Kennedy, qui mêle accordéon diatonique italien, violon auvergnat, percussions orientales, guitare flamenco et chant irlandais et écossais. C’est un spectacle qui tisse à sa manière l’Europe musicale.
Et le 11 mars, on propose au Nouveau Pavillon une création transeuropéenne. Avec l’aide de l’Adami, on accueille en résidence chez nous la rencontre entre le guitariste-arrangeur Kevin Sedikki, la chanteuse grecque Maria Simoglu et le violoniste nanto-roumain Iacob Maciuca. Je pense que ce sera un grand moment. Mon idée est d’avoir chaque année une création Eurofonik « transeuropéenne ».

 

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Nuala Kennedy – Voyage de nuit © DR

 

La programmation est tournée vers la découverte. Comment tu découvres cette découverte et comment en 2016 parvient-on à la défendre quand on porte un festival ?
Je considère que l’argent public dans la diffusion culturelle doit avant tout servir la découverte et non les têtes d’affiche, en particulier dans les festivals… L’argent public doit avoir pour mission de promouvoir la diversité culturelle, de contrebalancer les effets dévastateurs de l’uniformisation culturelle, de la marchandisation de la culture. Eurofonik est un acteur fort de la diversité culturelle à Nantes. Ces musiques ne bénéficient quasiment d’aucun relais médiatiques dans l’audiovisuel public en France. Aucun de ses artistes ne passent à la télé ou sur les grandes radios. Marta Sebeystien qui sera le 9 mars à la Cité et qui est une star en Hongrie, sera considérée ici comme une « découverte ». Un comble pour quelqu’un qui tourne partout dans le monde…

Eurofonik est finalement le seul festival dans ce genre sur la métropole, qu’est ce que cela t’inspire ?
C’est en tout cas l’un des rares événements culturels nantais à avoir pris ouvertement la thématique européenne… Mais est-ce que cela intéresse vraiment les élus ? À mon sens, on devrait avoir un peu pour ambition de construire l’Europe par l’art, la culture, l’éducation, les hommes. On a fait l’Europe par la technique, les réseaux, le commerce, la monnaie. On voit ce que ça donne aujourd’hui. Les gens identifient l’Europe aux contraintes réglementaires, à l’austérité budgétaire…

2016 sera l’année de la femme pour le festival. Comment sont considérées selon toi les femmes dans les musiques trad’actuelles ?
En réalité, ce n’est pas « l’année de la femme » mais plutôt une programmation à forte dominante féminine. Je ne l’ai pas fait exprès au début. La dominante dans la programmation est quand même vocale, et il se trouve que j’adore les voix de femmes. Au bout d’un moment je me suis aperçu que ma programmation faisait la part belle aux femmes. Il me restait encore plusieurs groupes à programmer, alors j’ai tiré le fil. On pourra ainsi entendre Zsofia Pesovar, Márta Sebestyén, Nuala Kennedy, Rocío Márquez, Maria Simoglou, les filles de la Brigade d’Intervention Vokale, Mercedes Peón, Marthe Vassallo, les trois Napolitaines d’Assurd et Clara Diez Marquez !
Dans les musiques traditionnelles, on constate qu’à chaque génération, il y a autant de jeunes filles talentueuses que de garçons talentueux. Mais que 15 ans après, elles sont restées amateurs, alors que les garçons sont passés professionnels. Cette programmation est aussi un encouragement pour les plus jeunes filles. Faut pas hésitez, même si dans beaucoup de têtes, la scène est encore le lieu de la virilité, du pouvoir, de la puissance et que la présence féminine remet des choses en question.

 

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Super Parquet © Joanny Nioulo

 

40 artistes venus de Hongrie, Roumanie, Grèce, Italie, Espagne, Irlande et de France sont à l’affiche. Qu’est-ce qui selon toi réunit artistiquement ces pays ?
Ce sont des pays occidentaux où ces musiques ne vivent plus du tout dans leur contexte villageois, rural, communautaire d’origine. Elles sont devenues des musiques urbaines, actuelles, branchées sur tous les sons du monde via le disque et internet, connectées aux nouvelles technologies. Elles sont réinvesties dans un contexte urbain de brassage culturel pour devenir un terreau de créativité. À travers ces nouvelles hybridations, elles montrent qu’elles sont un bon langage pour dire le monde d’aujourd’hui.

Le samedi se tiendra un fest-noz system à Stereolux, sans doute le tout premier, un pari ? Une forte envie de bousculer les habitudes pour une salle de musiques amplifiées ?
Non, ce n’est pas l’envie de bousculer des habitudes, mais plutôt de croiser les publics, celui du fest-noz et celui habitué aux concerts « qui s’écoutent debout ». Le fait d’avoir les concerts dans la salle Micro et le « fest-noz » dans la salle Maxi va créer de la mobilité, des échanges entre ceux qui sont plutôt venus pour écouter, d’autres plutôt pour danser. Dans l’étude du public Eurofonik que l’on avait menée en 2013, on s’était déjà rendu compte que ce public fréquentait beaucoup Stereolux. C’est naturellement que l’on s’est tourné vers ce lieu désormais incontournable…

Site EUROFONIK

 

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Rédactrice en chef de ce site internet, chargée d'info-ressources à Trempo. Passionnée évidemment par la musique, toutes les musiques, mais aussi par la mer et la voile, les chevaux, la cuisine et plein d'autres choses.

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