« Chaque évènement est imaginé comme le dernier chaque année » nous confie Greg. Voilà bien la plus belle des motivations pour porter un festival. Un sacré challenge, une motivation sans faille qui anime tous les ans l’équipe de Teriaki. Le Mans peut se targuer d’un beau projet artistique qui démarre dès ce soir et animera le week-end à venir en terre sarthoise. De la musique rock indé ou électro, des installations vidéo, des ateliers, un programme pour enfants, du Teriaki’n B (hébergements pour le public chez l’habitant), des lieux de spectacle complètement hallucinants, le festival Teriaki combine ses singularités, innove à bien des égards, fait battre très fort le coeur de ses organisateurs tous bénévoles et dévolus à un festival qui se doit de faire découvrir des choses souterraines, marrantes et originales. Rencontre avec Greg de Teriaki en plein montage du festival.
Visuel bandeau : © Julien Pacaud
Quel point commun entre une ballade à vélo en pleine campagne (cf. le teaser du festival) et le festival Teriaki ? Et pour compléter, comment expliques-tu le choix du visuel ?
Nous collaborons avec notre ami Julien Pacaud depuis 2010. C’est lui qui signe chaque année le visuel des Siestes et du festival. C’est une collaboration très forte, on lui accorde une confiance aveugle dans l’identité visuelle de notre évènement. Sa science du collage très rigoureuse avec ses formes mathématiques et son côté poétique, où plusieurs univers se côtoient, correspond bien à notre évènement : un festival à la fois urbain et une fenêtre ouverte sur la nature. Le lien avec la vidéo relève plus d’une blague entre nous. Après, on pourrait y voir une analogie avec le côté parcours sonore du festival et la connexion avec le vélo c’est peut-être l’idée du mouvement… Ah ah, il est cool ce teaser non?
Le groupe Prohibition parle d’un festival hors des sentiers battus et signe carrément l’édito de la plaquette. Ça veut dire quoi pour vous ? Et est-ce important d’avoir des prescripteurs comme eux pour vous ?
On ne cherche pas forcément à avoir des « prescripteurs ». On fonctionne à l’affectif et on demande chaque année à des gens proches de nous donner leur vision du festival. Rubin Steiner, Etienne Jaumet s’y sont déjà collés. On a aussi du mal à parler de nous. Les frères Laureau de Prohibition ont toujours accompagné le festival en filigrane. Quand on était des kids, on était de vrais fans du groupe. Ils font partie de ces gens qui nous ont donné envie d’organiser des concerts. On a pu les programmer avec leurs différents projets au cours de ces dernières années. Du coup, on a très souvent évoqué avec eux l’idée d’une reformation de ce groupe mythique. Qu’ils finissent par accepter une reformation est pour nous un véritable honneur (et rêve de kids).
Comment le festival qui en est à sa 10è édition évolue-t-il d’un point de vue artistique, logistique et financier ?
Le festival est vraiment notre bébé. A chaque édition, on y met tout ce que l’on a en nous. On organise chaque festival comme étant le dernier. On essaie d’imaginer à chaque édition le festival parfait auquel on souhaiterait assister. Artistiquement, on a pas mal évolué ces dernières années. Lors de nos premiers festivals en plein air de 2001 à 2005, on devait faire des concessions pour s’assurer un minimum de public. On était arrivés au bout de ce dispositif. On s’est donc donné le temps de réinventer notre événement dans le but d’être le plus honnête avec nous même en termes de programmation. Depuis, on essaie d’avoir une programmation exigeante et accessible. On cherche une équation mathématique savante entre les groupes avec une certaine reconnaissance et les petites pépites dénichées un peu partout. Pour ce qui est des installations numériques, nous sommes à l’affût d’installations innovantes, esthétiques et surprenantes, développant toujours un lien fort avec la musique. Quant à l’évolution financière, on a la chance d’être de plus en plus suivi par pas mal de collectivités. Notre économie reste cependant très fragile d’autant que l’on tient à avoir une politique tarifaire permettant au plus grand nombre d’assister à nos événements. On est également très attentifs à être partie prenante de la dynamique culturelle du Mans en impliquant fortement les partenaires locaux dans l’évènement, radio, collectivités, groupes, salles… On tient beaucoup à l’idée de donner une bonne image de notre ville et en même temps que les gens du coin s’approprient le festival.
C’mon Tigre – crédit : RGB – en concert le dimanche 30 août
Vous investissez des lieux incongrus (ancien hôpital psychiatrique, parkings souterrains, une abbaye, des parcs…), pourquoi et comment avez-vous les autorisations ?
L’aspect architectural des lieux est une donnée importante, au même titre que les groupes ou les installations. Des lieux nous viennent des idées de programmation et vice versa. On aime aussi surprendre notre public en l’emmenant dans des lieux incongrus ou alors dans des lieux déjà connus mais revisités à notre manière. On cherche toujours des endroits et des scénographies qui bousculent les habitudes de diffusion pour le spectateur et pour les groupes. C’est un long de travail de recherche et de négociations avec nos différents partenaires pour les investir. Au fur et à mesure des éditions, on voit que cela prend, et désormais, on nous propose des lieux à investir.
Avez-vous une idée du public qui vient au festival ? Qui est-il ? Pourquoi vient-il ? Y-a-t-il des fidèles ?
Le public est multiple. On reçoit à la fois des familles sur les événements dans les parcs et des férus de musique. On existe depuis près de 20 ans. Avec le temps, on a acquis un public fidèle qui nous fait confiance sur la proposition artistique et qui ne demande qu’à découvrir. Le paramètre des lieux agit également comme un catalyseur qui booste la fréquentation des événements. On attire pas mal de public du département mais de plus en plus du public venant de toute la région et plus loin.
Comment trouvez-vous la juste dose de musique et d’installations/expos ? Y-a-t-il des points communs entre ces arts et cherchez-vous une logique artistique sur une même édition ?
La logique se crée naturellement entre nos lieux et nos envies de programmation. On essaye de monter un parcours pour le public, de construire un rythme pour chaque journée de festival. Nos critères de programmation sont à peu près similaires entre musique et installations. On aime bien les bidouilleurs fous, les choses ludiques, et surtout on cherche des propositions inventives et surprenantes ayant un univers très marqué. Le but est encore une fois d’attiser la curiosité et de s’amuser. Ensuite, toutes les installations et les performances du festival travaillent le lien entre musique et scénographie. Tous les concerts sont réfléchis de manière scénographique (dispositions scéniques, plans de feu…).
The Brain – crédit : DR – en concert jeudi 27 août au Bar’Ouf
Le coup de coeur de cette 10è édition ?
Deerhoof évidemment ! C’est un honneur et une chance de pouvoir les accueillir. Mais tous les artistes programmés sont des coups de cœur. On ne programme rien par défaut, on est attaché à chacun des artistes que l’on reçoit. Mais sinon, on attend énormément la dose de folie du set de Chris Imler, la reformation inespérée de Prohibition, la moiteur du set de Pirañas, la bidouille de Tapetronic et toute la poésie des installations Stripe, Frequencies ou Horizon.
Si vous deviez aujourd’hui penser la 11è édition avant que la 10è n’ai eu lieu, elle serait pensée comment ?
Question à laquelle il est impossible de répondre ! Depuis 19 ans que l’association existe, chaque évènement est envisagé comme le dernier. Notre modèle économique et la lourde implication quotidienne que demande cet événement modèrent nos projections sur l’avenir. Notre structure se base entièrement sur le bénévolat. Nous nous voyons libres de construire nos événements et aucune convention ne nous contraints. Nous sommes conscients avec l’hôpital Etoc Demazy d’avoir à disposition un lieu parfait pour le format actuel du festival pour sa jauge et son ambiance. Nous avons l’occasion de nous réinventer et pour nous c’est l’occasion de se redynamiser. Mais malgré cela, on a quelques cartouches en réserves. Nos envies sont là et la prochaine édition inclura toutes les frustrations de cette année. On regrette tant la non-venue des Madensuyu que l’annulation de Luke Abbott par exemple, et on continue à rêver de voir Colin Stetson braver la scène des siestes Teriaki. Pour l’instant, on se concentre sur la prochaine édition des siestes en 2016 avec notamment une création originale d’Olivier Mellano avec les écoles de musique du département pour une pièce unique à l’abbaye de l’Epau…