Il ne faut pas grand-chose, quelques instants, le temps que la voix de Françoiz Breut arrive pour retrouver ce que l’on n’avait jamais vraiment quitté. Cette musique qui nous accompagne comme une amie que l’on ne voit pas souvent, dont on réécoute les disques précédents pour se donner l’impression de recevoir des nouvelles, dont on sait qu’elle est là puisque l’on continue de fredonner certaines phrases de certains morceaux alors pourtant que le dernier, La Chirurgie des sentiments est déjà vieux de quatre ans. Quatre ans et on retrouve Françoiz Breut pas tout à fait là où on l’avait laissée, pas très loin non plus. C’est ce timbre, ces phrases continuées ou coupées à des moments imprévus auxquelles on a aimé s’habituer. Un rythme, une respiration (« le poids de l’air » évoqué dans La proie ?). C’est cette poésie minutieuse qui a la classe de ne rien laisser voir des échafaudages et qui donne à entendre une musique légère, fine. Il faut être honnête, parfois on aurait envie de garder les disques de Françoiz Breut comme un secret tant elle touche.
Et puis, il y a quelque chose d’un peu différent sur Zoo. Pas dans les mots et la manière de les dire mais dans la façon dont la musique et les mots s’emmêlent, se déroulent, s’illustrent l’un et l’autre. Il y a une grande précision dans les arrangements, un sens du détail qui donne une force folle au propos. On quitte le doux sfumato des disques précédents pour une autre forme d’équilibre. Les arrangements laissent peu de place au silence (sauf la fin de La proie où seule Françoiz Breut chante), sont riches en détails, en contrepoint. Ils délimitent les contours de la voix, architecturent. Mais qu’on ne s’y méprenne pas, c’est toujours léger, volant presque, comme « ces ailes poudreuses qui palpitent » de Zoo.
« Sentir ta matière et ta force » chante Françoiz Breut sur L’arbre ; c’est le sentiment que l’on garde après ce disque, de s’être un peu plus approché de cela, d’avoir entendu à quoi ressemblaient la matière et la force lorsqu’elles sont gracieuses, sans lourdeur, une danse des ombres.
En concert dans le cadre du festival Les Femmes s’en mêlent, mercredi 23 mars, Stereolux, 20h30 avec Shilpa Ray et Gwenno.
Photo bandeau : Françoiz Breut © Jérôme Sevrette