HellFest – quand la démesure rock’n’roll conquière un territoire

La renommée internationale du Hellfest semble indiscutable, et le simple fait de se balader aux abords du site montre l’aura du festival de musiques metal si l’on observe les plaques immatriculées GB, I, A, D, P, IRL… Le parking sauvage étalé tout autour des barrières encerclant le lieu des festivités sera la première claque visuelle du week-end. Files de voitures linéaires sur des kilomètres de nationales, en toute assurance. Ce qui pourrait paraître anxiogène au premier abord n’est que l’une des nombreuses surprises que réserve le HellFest : tout se passe bien, on se gare à l’arrache et sans accrocs.

Passées les formalités d’entrée, le site se dévoile… scénographie furieuse, décors dignes de cinéma, allées de shopping où crânes, papillons et roses épineuses font bon ménage. Foule venue en nombre pour la célébration du rock – qu’il soit de tendance black metal, dark, heavy, hard rock ou encore punk. Six scènes – dont trois monstrueuses, des milliers de personnes employées – dont une bonne part de bénévoles – à l’élaboration d’un show grandiose, des hectolitres de bières, de la pyrotechnie abondante, des bécanes rouillées et une tyrolienne. Sans oublier les dizaines de milliers de festivaliers.

D’entrée de jeu, ça tabasse sévèrement au niveau des tympans. Sur l’une des deux scènes principales, le groupe Le Bal des Enragés s’affaire à grincer les cordes électriques de leurs instruments et à frapper le rythme sur une base hard rock pêchue. Le temps n’est pas plus estival qu’une poussée de girolles, mais la fosse accueille déjà un public mobilisé tandis que les Rennais sur scène reprennent Antisocial de Trust – 35 ans après ça fonctionne toujours – et Killing in the name de RATM. Du côté de la WarZone, Vision of Disorder envoie des riffs grinçants et énervés. Puis retour vers les mainstagesMass Hysteria crée son propre show et enflamme le pogo en descendant dans la fosse. Circle Pit et Wall of Death se mettent en forme au sein de la foule ravie.


Mass-Hysteria1
Mass Hysteria

 

 

Les trois jours de festival vont se caler sur ce rythme : déambulation au gré des sonorités intéressantes, au devant de scènes bondées de monde. Les nouveautés en matière de scéno se situent principalement sur la scène punk, la WarZone. Agrandie, terrassée, décorée façon « camps de concentration » avec son lot de barbelés encerclant les miradors. On s’y croirait. Les gradins mènent les personnes vers une aire de restauration et de bars, que surplombe la statue de Lemmy Kilmister créée pour l’occasion en hommage au chanteur mort récemment. L’autel installé au pied de la statue recueille des offrandes diverses – clopes, capotes, pièces de monnaie – et est constamment sous la garde d’un agent de sécurité. En contrebas, on trouve le Skate Park grillagé, moments de pause musicale où le spectacle des riders en cage a quelque chose de scotchant.

La programmation de la WarZone, ainsi que sa situation nouvelle, en font une scène-culte. Vision of Disorder, Killswitch Engage, Converge, Les Sales Majestés, The Toy Dolls, Ludwig Von 88, Walls of Jericho, Refused – et j’en passe – ont conquis la place pour un public motivé, furieux et heureux. On y voit des Pogo de bois là où le sol est jonché de copeaux. Les festivaliers s’amusent, s’envoient des poignées de sciures, tournent, s’éclatent tandis que la chanteuse – l’une des seules femmes sur scène du week-end – de Walls of Jericho saute d’un bout à l’autre de la scène et enflamme le parterre de monde qui lui fait face, sur un « Fuck you American Dream » récurrent.

Du coté mainstages, la grande roue tourne en boucle et la file d’attente pour accéder à la tyrolienne qui survole le site s’allonge, comme celle des toilettes pour femmes. Les grosses progs du week-end résonnent dans l’attente de leur passage « C’est à quelle heure The Offspring ? » ; « On m’a dit que Rammstein avait annulé, c’est vrai ? » ; « Korn, c’est quel soir ? » ; « Hâte de voir Black Sabbath ! Quoi, tu connais pas Ozzy Osbourne ? Il paraît que c’est leur dernière scène ! » « Hé ! demain après-midi, on se rejoint devant No One Is Innocent ? » Le site du HellFest de Clisson devient alors noir de monde, les scènes ne sont pas visibles pour les deux tiers des festivaliers mais sont retransmises sur écrans géants. Les vieux groupes hyper-connus entament les morceaux qui ont fait leur renommée, leurs textes sont repris à l’unisson par des aficionados. Les feux d’artifice y sont énormes. Celui lancé samedi soir, en l’honneur de Lemmy de Motörhead, dépasse de loin l’idée même que tout un chacun se fait d’un feu d’artifice.

Walls-of-Jericho
Walls of Jericho

 

 

Les différentes parties du site allument les regards, quelque soit le moment de la journée ou de la nuit. Le budget alloué à la scénographie, le travail des techniciens – lumière, son, cordistes – ainsi que les constructions et fresques gigantesques parsemées sur le site participent à créer l’atmosphère spécifique que les festivaliers de tous poils, et d’horizons lointains, viennent chercher ici. En plus du sentiment d’entre-soi que permet le HellFest… Moment-phare où le culte du Metal et de ses dérivés sonores se dévoile sans bornes. Où le cuir, la sueur et la bière conquièrent l’espace et les peaux – sans souci du « qu’en-dira-t-on », comme dirait l’autre. Les crêtes punk côtoient les cheveux noirs et longs, des lapins roses croisent des déesses gothiques haut perchées. Les costumes délurés sont de sortie… à moins que ces apparats soient ceux qui aient du sens – face au trois-pièces porté les autres jours de l’année ?

Trois jours – trois nuits – de furie, des dizaines de kilomètres parcourues à pieds, des scènes de partage communautaire intenses… La vision d’un évènement qui a su s’implanter dans le paysage des environs de Nantes comme le festival européen du Metal. Au niveau budgétaire, il semble que ça fonctionne bien. Cela devrait continuer sur cette lancée – avec l’aimable soutien des milliers de bénévoles qui s’investissent à fond pour que les bars tournent et que le sol soit propre…

On y croise aussi, au détour des barrières Heras qui entourent les campings crew, des collectifs locaux – Le Chakipu, Qub – des graphistes, techniciens, lighteux – et autres constructeurs du coin – qui profitent du festival après avoir mis la main à la pâte afin que cette énorme Party festive de l’enfer ait pu avoir lieu. Dernier note bluffante sur la WarZone avec Refused nous livrant un punk décomplexé et vibrant, sur fond de couleur rouge – la scène acquière clairement l’allure d’une sacrée bouche de l’enfer.

Toutes photos © Morgane Lesné

 


Galerie photos 

Skate-Park2
Skate Park 

Cathédrale
Cathédrale

Crâne-terrasse-VIP++
Crâne terrasse

Bullet-for-my-valentine
Bullet for my valentine

The-Toydolls
Toy Dolls

Vision-of-Disorder2
Vision of Disorder

Rédactrice, amatrice de musiques électroniques et d'arts interactifs, je me passionne pour les pratiques culturelles émergentes de la société contemporaine.

Soyez le premier à commenter