JOHNNY’S SCRAPBOOK: CHAPLIN NOIR SPECTACULAIRE

De la musique, du dessin, des flip books, des pages qui s’animent, une voix off… Voilà ce qu’on trouve dans Johnny’s scrapbook ! Projet hybride créé fin 2013 par la Compagnie Frasques, il est présenté cette semaine à Paimboeuf et St-Nazaire pour le festival régional Jazz tempo (organisé par le CRDJ). Pour en savoir plus, nous avons posé quelques questions au musicien Guillaume Hazebrouck, l’un des initiateurs de cette création.

Visuel © Guillaume Carreau

Tout d’abord, qui est donc ce Johnny?
Il s’agit de Johnny Hudgins, un danseur-performeur noir-américain des années 20-30, vraiment célèbre à l’époque. Son surnom, c’était le « Chaplin noir »! Il était proche de Duke Ellington, Louis Armstrong, et surtout Josephine Baker – on peut même dire qu’il était son mentor. Mais à l’inverse d’elle, il n’est pas passé à postérité et c’est ça qui nous a intéressé, travailler sur une figure oubliée de l’histoire. C’est un peu un fantôme sur lequel on a assez peu de documents… Et à partir de là, on a donc décidé de reconstruire sa trajectoire pour en faire une sorte de fiction.

Qu’est-ce qu’on voit dans ce spectacle, Johnny’s scrapbook? Qu’est-ce qu’on y entend?
A l’origine, on avait vraiment envie de travailler sur une forme qui mêle le dessin en direct et la musique. Pas quelque chose sur le mode de la performance improvisée, mais plutôt un vrai travail de construction commune. Finalement, la forme finale du spectacle se rapproche de l’expérience cinématographique car la musique est jouée en direct et le film aussi. On a la musique et le dessin qui sont en direct, auxquels s’ajoute la voix off (déjà enregistrée) de Johnny Hudgins qui se raconte à la 1ère personne. On a combiné le tout pour créer une expérience d’ordre cinématographique.

8120772-12680717

En anglais, le scrapbook fait référence à un album photo où l’on peut mettre en valeur certains clichés, avec de la déco ou non. Si cette création est une ‘customisation’ de Johnny Hudgins, à quoi ressemble votre Johnny?
En fait, le mot scrapbook nous permettait surtout de parler à la fois du contenu et de la forme du spectacle car en effet, un scrapbook est aussi un album de souvenirs. On a voulu retracer ça, à travers quelqu’un qui essaye de reconstituer les fils de sa mémoire. Dans la forme, l’artiste Guillaume Carreau réalise en direct le scrapbook de Hudgins avec plein de modalités différentes, que ce soit avec des choses qui existent déjà mais qui sont retravaillées en direct, ou des pages blanches qui se font sur le moment. L’enjeu, c’était d’animer ce scrapbook, de créer de la vie à partir d’un objet inerte. Il a donc développé cette idée de redonner vie à une figure oubliée avec ses gros livres et ses différentes techniques, qui sont très artisanales, bricolées, presque ‘bout de ficelle’. Entre les dessins au crayon, à l’encre, les procédés d’apparition/disparition, les flip books, les mécanismes qui permettent de créer du mouvement à l’intérieur du scrapbook, à l’aide d’élastiques par exemple… Il y a quelque chose de très fragile dans ces techniques qui fait écho à la trajectoire du personnage.

Pour l’aspect documentaire, il se trouve qu’il existe de véritables scrapbooks sur Hudgins, conservés à l’Emory University d’Atlanta. On a pu avoir accès à quelques pages de ces scrapbooks grâce à un universitaire américain qui s’est aussi intéressé au parcours de Hudgins, Brent Hayes Edwards. On a eu l’occasion de collaborer avec lui et il a ainsi pu partager avec nous quelques éléments… Mais tout le reste est fantasmé!

 

Qu’en est-il de la musique dans Johnny’s scrapbook ?
On pourrait dire que c’est comme une bande originale de film, avec une certaine particularité vu la période et l’histoire de ce performeur! On suit ses débuts lors de tournées un peu chaotiques dans l’Amérique de ces années-là, puis sa vie à Harlem, son arrivée en Europe… On a donc traité les musiques jouées à ce moment-là. On a souhaité approcher le jazz dans son côté spectaculaire, en tant que musique jouée dans des revues et pas juste sous la forme de concert. La forme de revue est importante car il y a de la danse, des magiciens, du blackface… On voulait retrouver l’esprit de ces musiques-là, ces musiques de scènes, et on a donc emprunté à différents genres: boogie, charleston, blues… On s’est inspiré de formes qui existaient déjà pour composer de nouveaux morceaux, on peut donc dire qu’on a écrit de vrais-faux charleston! Et surtout, on s’est connecté avec cette dimension du jazz qui n’existe plus trop aujourd’hui: son caractère de musique faite pour la scène et qui dialogue avec autres disciplines. C’est comme ça que c’est arrivé en fait ! Au départ, il y avait du jazz soit pour la danse, soit pour le chant, mais c’était toujours intégré dans une forme de spectacle. C’est beaucoup moins présent aujourd’hui. On touche à ça avec ce dialogue entre musique et dessin en direct, au service d’une narration.

Cette semaine, vous jouez dans le cadre de Jazz Tempo. Que représente ce festival pour vous?
C’est l’occasion de défendre différentes formes qui ont à voir avec le jazz et montrer la vitalité de ces formes-là. D’ailleurs, je jouerai également vendredi dans le cadre du festival, mais avec le groupe Hoarse au Pannonica!

Dates à venir :
– 25/11 au Centre Cutullic à 20h30 (Paimboeuf)
– 26/11 au Théâtre de Saint-Nazaire à 19h30

Johnny’s scrapbook sera suivi d’un ciné-concert de 22 minutes autour d’un joyau du cinéma muet, le court-métrage de Jean Renoir avec Johnny Hudgins, Sur un air de Charleston.

Johnny_entier

Page Facebook de Johnny’s scrapbook

 

Gribouille aussi un peu pour Bigre. Rigole souvent au micro de Boum Bomo sur Radio Prun'. Possède un enthousiasme musical qui va de la pop au hip hop, des légendaires ABBA aux moins connus beatmakers, en passant par la variété française des années 60/70/80. Cultive rencontres, découvertes et danses singulières.

Soyez le premier à commenter