Le musicien conteur vendéen Laurent Deschamps partait pour la Côte d’Ivoire en avril dernier avec un violon, une marionnette pour présenter le spectacle Au bout du conte. 2800 enfants auront eu le plaisir de voir le spectacle, retour sur cette expérience avec un professeur de récréation.
Tous visuels © Cie Laurent Deschamps
Quel est ton parcours artistique ?
Mon parcours artistique pourrait se résumer en une succession de rencontres. La prestation d’un artiste de cirque venu se produire dans ma petite école rurale, mon professeur de musique au collège, le lycée et mon investissement dans l’animation théâtrale du foyer socio-éducatif… plus que dans mes études ! J’ai pris des cours de violon que je payais en faisant des extras chez un charcutier. Puis La Biduline à Nantes, une compagnie de marionnettes, qui m’a permis de trouver mon orientation ! J’ai ensuite écrit et joué mon 1er spectacle en Touraine, puis je suis parti à San-Francisco : je chantais Brassens, Leforestier, et mes chansons. Je faisais aussi de la magie dans la rue…Et à 25 ans j’avais composé plus de 50 chansons. Après mon séjour aux USA, à Paris j’ai commencé des études sérieuses dans le domaine du spectacle : le conservatoire des Arts du Cirque et du Mime, et l’école des Ateliers Chansons de Paris. Ensuite, je me suis Imprégné des rencontres avec les metteurs en scène Petrika Ionesco et Lluis Pascual à l’opéra, et, au théâtre, Bruno Bayen et surtout Denis Bénoliel, aujourd’hui un fidèle compagnon de route. La naissance de mon troisième enfant a été un déclic : le spectacle pour enfants, dans son écriture et son jeu, serait mon credo ! Depuis 1996, j’ai créé huit spectacles pour le jeune public, avec ma compagnie La Tête à Toto. Dans ma dernière création, « Au bout du conte » qui traite des mathématiques, je tente d’amuser et de convaincre les enfants les plus réticents aux outils mathématiques à s’en faire des amis. Une manière de lutter à ma façon contre les échecs scolaires.
Tu mêles musique et théâtre, musique et conte, pourquoi ? Qu’est ce que ces fusions apportent ?
Je ne peux me cantonner à un seul mode d’expression, et mêler ces différentes disciplines des arts de la scène reste une manière de toucher un public populaire. Le fait d’enregistrer des albums CD qui correspondent à chacun de mes spectacles, ouvre d’avantage cette perspective. La fusion de ces genres m’offre la liberté de m’exprimer comme j’en ai envie, et limite les contraintes que m’imposerait une seule discipline, moi qui ait un parcours pluridisciplinaire, entre chansons, mime, théâtre, magie et marionnettes. En France, on a besoin d’étiqueter les gens, moi, j’assume pleinement mon « inclassabilité ».
Qu’est ce que tu cherches à raconter ? Et pourquoi pour les petits ?
Les thèmes sont toujours nourris d’une longue réflexion, il nous faut 3 et 4 ans d’écriture avec Denis Bénoliel, mon comparse metteur en scène pour concevoir et écrire nos spectacles. Les thèmes sont proches des réalités des enfants et de tous âges : la solidarité et le recyclage, l’environnement et l’importance de la musique, l’apprentissage de la lecture et la multi-culturalité, le jeu mathématique et le plaisir d’apprendre… Les enfants sont les acteurs de demain. Leur donner des outils de réflexions, les considérer comme des êtres jouant et pensant, pour que non seulement aujourd’hui, mais aussi dans leur futur vie d’ado et d’adulte, ils puissent avoir la distance nécessaire, faire des choix et s’engager, tout en conservant le plaisir de rire, de jouer et de découvrir. C’est, à mon sens, le but premier du théâtre, et ce, quelque soit l’âge du public. Je n’ai pas de leçon à donner et ne me considère pas pour autant comme un professeur … sinon de récréation.
Tu as joué « Au bout du conte » en Côte d’Ivoire en avril dernier, comment ce projet s’est-il monté ?
J’étais déjà allé au Cameroun en 2008 avec mon spectacle C’est Donc Qui Quoi ? C’est Don Quichotte ! . Ce fût un échange si riche d’émotions, que j’ai saisi cette année une opportunité de revenir en Afrique. J’ai enregistré mon dernier album avec Jean Paul Romann aux commandes au studio Adjololo, près d’Angers. Grâce aux rencontres avec les frères Livenais d’Adjololo, la voie était tracée… La Côte d’Ivoire ! J’ai été accueilli par un groupe de danseurs et percussionnistes bien connu des artistes nantais, Yelemba. J’ai effectué plusieurs représentations, devant environ 2800 enfants. J’ai aussi effectué pas moins de 30 visites dans les classes avec mon violon et une marionnette du spectacle. Hormis pour le montage du spectacle (grâce à la Région des Pays de Loire et de l’ADAMI), et pour l’enregistrement du CD (La SCPP, et le Ministère de la Culture), La tête à Toto n’a pas eu et pas cherché de financement ou de soutien d’organistes internationaux pour cette aventure africaine, juste les économies d’une saison bien remplie et la seule volonté du petit colibri, que je suis, de partager.
Comment le conte est-il perçu par les enfants africains ?
Les réactions des enfants furent très positives, un public très à l’écoute et réactif à chaque émotion, à chaque chanson et à chaque sortie de marionnette. Ils réagissaient aux mêmes endroits que les enfants européens avec, toutefois beaucoup moins réserve. Leurs réactions étaient décuplées sur les chansons, mais leur propension à revenir à l’histoire, tout aussi surprenante. A l’issue des représentations à Kokouézo, lors de la visite du village, les enfants nous ont accompagnés tout à long de la traversée en scandant mon nom dans leur langue « le Bété », en chantant et en dansant. C’était un hommage que je ne suis pas près d’oublier.
Comment toi tu te positionnes, as-tu adapté un peu le propos ?
Je n’ai pas changé ou adapté mon propos pour le public africain, je considère qu’il est de notre devoir d’artiste de présenter nos productions telles qu’elles sont, c’est ça un véritable échange culturel. Par contre, rechercher l’universalité dans l’écriture est une quête qui demeure présente dans ma démarche de création.
Quelle suite donnes-tu à cette tournée ?
J’ai déjà quelques idées d’échanges avec le Bénin et le Sénégal, et il se pourrait bien que l’année prochaine Au bout du conte soit aussi du voyage… Je sais aussi qu’on attend mon retour en Côte d’Ivoire avec impatience.
Tes autres projets à venir ?
Je travaille depuis quelques semaines sur une mise en espace d’un spectacle, avec 2 écoles publiques vendéennes, sur un livre de PEF « Chansons à se tordre » que nous présenteront pour la fin de la saison scolaire 2016. Pour la saison 2016-2017, je m’emploie à développer ce fameux nouveau spectacle « Au bout du conte » auprès des toutes petites écoles des Pays de Loire, dans une version « light » avec, entre autre, l’aide à la diffusion de Conseil Général de Loire Atlantique. Je souhaite aussi étendre la version en langue des signes, mise en place cette année avec Api-Lsf de Nantes, et proposer, en complément du spectacle, une animation-conférence d’un ami mathématicien de la région nantaise, François Sauvageot, acteur dans le film-documentaire « Comment j’ai détesté les maths »… du travail en perspective.