Fin du mois d’août, la rentrée se profile nettement sur l’horizon de la région nantaise, l’occasion pour la rédaction de revenir sur l’un des moments forts de l’été sur la côte ligérienne : le festival Les Escales qui a pris ses quartiers sur le port de St Nazaire les 29, 30 & 31 juillet dernier. Soleil au beau fixe pendant trois jours, trois grandes scènes world music et une station électro, quelques 40000 personnes allant et venant entre les sons cumbia, batuk, rock, roots, techno et hip-hop dans un décor brut de vieux embarcadères en béton.
Photo bandeau Iggy Pop © Morgane Lesné
L’association organisatrice n’a pas lésiné dans sa programmation musicale : parmi les têtes d’affiches quelques noms résonnent – en sépia – comme des valeurs sûres… Iggy Pop, Louise Attaque, Caravan Palace, Johnny Clegg. De quoi faire rêver tout un chacun, de 27 à 77 ans. Puis, en second rang, Breakbot et General Electriks, The Shoes et Selah Sue. Et de nombreuses découvertes aux couleurs de la République d’Afrique du Sud – pays donnant sa ligne directrice aux sonorités des Escales cette année.
Pour l’occasion, le site du festival se couvre dès la nuit tombée de créations lumineuses signées Diazzo, multicolores ou Black&White – rappelant les faits des violences ségrégationnistes de l’apartheid par endroits, ou mettant les tracés esthétiques rouge, vert, noir, jaune, bleu et rouge de Cape Town au coeur du festival. Dommage qu’il n’y ait pas eu de mise en place scénographique diurne sur les immenses bâtisses encerclant le festival – murs de briques rouges et de béton gris… Bien que l’espace « plage » – le dance-floor devant la scène DJ, intitulée « Cape Town Club » située sur le front de mer – soit bien coloré : château bleu clair avec sa façade en polystyrène, devançant une fosse sableuse pour danser nu-pieds.
Mapping Diazzo © Morgane Lesné
Ce coin du festival mérite d’ailleurs une attention particulière, l’un des DJs se produisant chaque soir sur cette station électro vaut largement le détour : DJ Invizable nous a délivré un show superbe, drôle et efficace. Il porte costume et masque, adopte des mouvements syncopés à la manière d’un Mickaël Jackson électro et sud-africain, tout en réalisant des solos de synthé-guitare calés. Improbable… Comme une vague de fraîcheur sous le soleil de plomb.
Autour des scènes se trouvent plusieurs spots de commerce et de restauration, investis par des associations et artisans locaux. On peut ainsi se faire tatouer puis se faire tirer le portrait, tout en dégustant un vin du territoire ligérien. Mais le système mis en place cette année par le festival dit du « cashless » laisse à désirer. Il s’en est soldé des heures de files d’attente, des bouchons sur les allées, des pertes de cartes et de la gestion de bugs technologiques du côté des barmen.
Le show de The Shoes alliant vidéo numérico-burlesque et musique indie-pop a clairement plu, le public était motivé et hétéroclite. Et c’est bien le point bonus de ce week-end : l’éclectisme de la prog’ permet de rassembler une population disparate à souhait. Familles avec jeunes enfants, adolescents et pré-adultes roots, couple de vieux rockeurs, trentenaires fêtards, cinquantenaire bourgeois… La force du festival Les Escales semble s’incarner dans ce melting pot socio-culturel.
Les découvertes agréables se suivent, perchées sur les petites scènes : Dope Saint Jude et son hip-hop énergique, Dookoom assombrissant l’atmosphère grâce aux sonorités dark-électro de son beat, le featuring spécial entre Skip&Die et Lindigo… La foule est au rendez-vous, les gens dansent et l’ambiance est bon enfant. Au-delà, l’attention du public s’est concentré en particulier sur les deux grands noms du spectacle international : Iggy Pop et Johnny Clegg.
L’homme est pratiquement âgé de 70 ans, et se déhanche sur scène plus énergiquement qu’un vingtenaire hyperactif. Iggy Pop, star de la seconde moitié du XXème siècle dans le domaine du show musical, s’est donné à fond pour le public nazairien, sans fioritures et avec beaucoup d’humour, envoyant des « f**k » et des doigts d’honneur entre les meilleures chansons de son répertoire. Lust for Life, I wanna be your dog, In the Death Car… Une heure trente de chaleur, public en sueur et ravi.
Les Escales se sont déroulées sans encombre jusqu’au dimanche – et Johnny Clegg a donné une pointe d’intelligence dans cet ambiance festive. Ses musiciens et lui-même ont balancé des fréquences aux rythmiques ternaires et africaines à une foule massive et réceptive. Entre chacun des morceaux interprétés, le chanteur sud-africain s’adresse au public en français et exprime les histoires racontées dans ses chansons, avec émotion. Il prend plusieurs minutes également pour parler du phénomène migratoire qui touche l’Europe depuis plusieurs mois, et de la gravité de la situation humaine qui est en jeu – citant l’association SOS Méditerranée qui s’occupe de sauver les migrants qui tentent la traversée méditerranéenne en risquant leur vie. Le Zoulou Blanc a construit sa carrière de chanteur en lien avec les enjeux humains majeurs – tel l’apartheid – et il continue, à la soixantaine passée. Il interprète son titre-phare Asimbonanga après un rappel têtu du public de plus de sept minutes d’acclamations… Performance humaine et vibrations positives pour une belle note de fin.