Mamadou Diarra, dit Mad Lenoir démarre la musique très jeune, baigné dans le monde de la musique tout juste né. Le hasard des rencontres et de la vie le mène en 2005 à Laval. Il y poursuit sa quête de musique, de tradition, fait sonner kora et n’goni en chantant la vie, les doutes, la paix. Ce 5 mars, il fêtera au 6X4 son 2è disque « Mama Afrika », une ode aux origines, au monde où la principale quête, relativement nouvelle, fut celle du son. Rencontre avec un Burkinabé hymble et habité par le métissage.
Toutes photos Mad Lenoir © Inès Hachou
Quel est ton parcours musical et pourquoi es-tu musicien ?
Je démarre mon apprentissage de la musique à 5 ans, pour accompagner mon père musicien et ma mère chanteuse. J’ai par la suite intégré des groupes de musiques traditionnelles puis actuelles et notamment de jazz. Je suis musicien parce que je suis né dans une famille de griots. Ca n’a pas été un choix de faire de la musique, car je suis né de parents musiciens, les choses se sont faites naturellement. Par contre, en faire mon métier a été mon choix après plusieurs années d’expérience.
Tu viens du Burkina, comment es-tu arrivé à Laval ?
Je suis arrivé par la musique en 2005 au travers de stages et de cours autour de la musique de l’Afrique de l’ouest en lien avec des associations.
Comment vis-tu la musique en France par rapport à tes origines ?
Très bien, y compris avec mes origines. Au Burkina, on peut jouer tous les jours dans la cour sans que cela gêne quiconque et que l’on appelle la police pour tapage nocturne. On joue pour toutes occasions, entre jeunes et anciens avec les moyens du bord. Les possibilités de pouvoir jouer sur scène sont plus importantes en France qu’au Burkina-Faso, les lieux de répétition et les moyens sont moins importants au Burkina. Chez nous, on apprend la musique dans la rue, avec les amis, la famille, les anciens, on ne va pas au conservatoire.
Pourquoi ce nom « Mad Lenoir » ?
C’est mon nom d’artiste depuis mes 16 ans, je m’appelle Mamadou Diarra. Diarra est un nom d’origine malienne et je suis burkinabé. Il y a de nombreuses personnes qui portent ce nom donc je cherchais un nom plus original et sans identité ethnique. Mad c’est le diminutif de mon prénom et avec le D, 1ère lettre de mon nom de famille. Lenoir reste un nom neutre pour moi, ce n’est pas lié à ma couleur de peau.
Tu mêles la musique traditionnelle au jazz ou encore à la musique funk, pourquoi ces mélanges ?
Ce n’est pas la musique traditionnelle que je mêle au jazz, funk. Mes instruments (kora et n’goni) sont des instruments traditionnels, mais ce que je joue avec n’a rien de traditionnel. C’est une continuité de la musique et de la culture mandingue dont ces instruments sont originaires. Ce mélange est source de métissage. J’ai été bercé dans la musique notamment par mon Papa qui écoutait de tout : indien, moderne, traditionnel… ce qui m’a apporté une ouverture large sur d’autres univers. Depuis tout petit, j’ai écouté beaucoup de choses : afro-beat, reggae, chanson française, rock, gospel…. Mon Papa a été un des 1ers à avoir un tourne disque dans mon quartier. Alors de la musique on en écoutait !!
Tu fais beaucoup sonner les cuivres dans ta musique. Pour quelle(s) raison(s) ?
Les cuivres ne font pas partie de ma culture musicale, je les ai découverts en écoutant de l’afro-beat, du funk, reggae et avec les voyages. Sur mon 1er album, il n’y a pas de cuivres, et c’est une envie que j’avais depuis un moment. J’ai eu l’expérience sur scène avec un saxophoniste, Glen Marzin, qui a été à mes côtés pendant quelques années. J’ai eu envie d’aller plus loin dans ce registre, les rencontres ont fait le reste. Aujourd’hui, je suis accompagné par une section cuivre trompette, trombone, saxophone, ce qui m’enrichit musicalement et humainement. Pour Mama Afrika, il y a eu une douzaine de musiciens à intervenir de la création au studio.
Comment considères-tu la musique du Burkina ?
C’est une multitude de cultures source de mélange et de mixité car au BF il y a plus de 65 ethnies avec pour chacune des branches différentes. C’est un cas un peu unique en Afrique de l’ouest, ce qui fait des milliers de rythmes, de styles, de danses, costumes…. C’est une culture très riche et ancestrale, ce qui rend aussi difficile d’identifier « une » musique burkinabée car toutes ces ethnies valorisent leur culture musicale. Pour moi, ce serait plus simple d’identifier la musique burkinabée faite par un burkinabé et non pas une musique burkinabée.
Tu chantes en bouamou, en bambara et dioula, de quoi parles-tu ?
Le bouamou est ma langue maternelle, le bambara la langue du Mali, et le dioula celle de Afrique de l’ouest. Je chante dans ces langues car je chante pour mes compatriotes qui ne comprennent pas toujours bien le français. Les sujets évoqués les concernent directement : les traditions, le savoir vivre, l’amitié, mes galères, l’espoir, mes joies et bonheurs, mon Papa, ma Maman, le respect, la vie de tous les jours, les relations humaines, la paix…
Peux-tu nous parler de la kora ? Qu’est ce que cet instrument a de particulier ?
C’est un instrument que j’ai toujours connu même si mon Papa n’en jouait pas, un instrument incontournable dans la culture mandingue que l’on trouve partout en Afrique de l’ouest, et aujourd’hui on en trouve partout dans le monde. La kora est constituée d’une grosse demi-calebasse de 40 à 60 cm de diamètre, évidée et percée d’un trou de 10 cm de diamètre en guise d’ouïe (dans la partie supérieure droite). Deux autres trous (au-dessus et en dessous) permettent de faire passer le manche à travers la calebasse. Elle est recouverte d’une peau de vache (de bœuf, de cerf ou de daim) parcheminée tendue mouillée, qui sert de table d’harmonie et dont dépend l’ampleur du son. Elle est maintenue par des clous de tapissier enfoncés dans la calebasse suivant des motifs variés, puis la peau est découpée. Une « traverse » (appelée barambando) et deux supports de mains (des poignées appelées bulkalamo) en bois servent de « barrages » (comme sur les guitares) et sont glissés sous la peau qui sera percée pour les laisser sortir. Le manche long d’environ 1,20 m à 1,40 m assure la liaison entre les principaux éléments vibrants de la kora (cordes et calebasse). Il est fait traditionnellement d’une longue pièce de bois de vène appelée guénou ou guéni (palissandre du Sénégal) qui sert pour la fabrication des balafons, et est parfois orné de sculptures. Dans sa partie inférieure, le manche traverse la calebasse. Dans sa partie supérieure, le manche assure la tension des cordes au moyen d’anneaux ou de clefs (mécaniques de guitare ou chevilles). Les cordes de la kora reposent sur un grand chevalet en bois, maintenu sur la peau par la seule pression des cordes dont le nombre est généralement de 21. Cependant, on rencontre parfois des koras équipées de 22 à 28 cordes, notamment en Casamance au Sénégal, et il existe même un modèle spécial de 32 cordes. La plus grosse des cordes est appelée bajourou, ce qui signifie la mère-corde. Les boyaux d’autrefois ont été aujourd’hui remplacés par du fil de pêche de différents diamètres (de 0,5 mm à 2,40 mm – les cordes les plus basses sont parfois des tresses de fils de diamètre inférieur), voire des cordes de harpe chez les koristes professionnels. Les cordes sont traditionnellement accrochées au manche par des anneaux en peau de vache (ou de bœuf), serrés autour de celui-ci. Aujourd’hui, des chevilles en bois à friction ou des clés mécaniques (type guitare) peuvent équiper les koras afin de faciliter leur accordage. À l’autre extrémité, les cordes sont reliées par de la drisse à un cordier en passant par un chevalet en bois qui assure la liaison mécanique entre les vibrations des cordes et la peau.
Mama Afrika est ton 2è disque, qu’est ce que tu as cherché de nouveau pour cet album ?
Le son !! C’est un son complètement différent de Bérémian. Musicalement, Mama Afrika possède un son plus occidental qu’africain, ceci étant dû en partie de la participation de musiciens de différents horizons et culture musicale : du Burkina-Faso à la Guinée en passant par le Japon, l’Algérie, la Biélorussie, la France et les Antilles.
Tu vis à Laval, comment ressens-tu cette ville ?
C’est une petite ville très sympa à taille humaine. On y trouve tout. C’est bien situé par rapport à Paris, Nantes, Rennes, Angers. Laval c’est comme partout, si tu connais des gens sympas, tu t’y plairas. On dit chez nous que c’est toujours mieux de connaitre du monde dans la ville que de connaitre la ville, car si tu connais la ville sans connaitre de gens tu ne sauras pas où aller dans la ville. Niveau musical, il y a beaucoup de choses avec le 6par4, les festivals, les associations, lieux de diffusion…. On se sent soutenu dans nos projets, il y a une bonne dynamique, j’y ai rencontré pas mal de musiciens.
Quel artiste burkinabé conseillerais-tu d’écouter et de découvrir ?
Victor Démé que j’ai bien connu. C’était un voisin. il a joué avec mon père, et j’ai joué avec lui avant qu’il ne soit connu. Paix à son âme et à tous ceux qui nous ont laissé et quitté en pensant à mon Papa qui a été mon maître, mon professeur, ma Maman ayant été mon guide.
En concert, samedi 5 mars au 6PAR4 à Laval, 20h30.