Drachen s’écoute en entier. Pour ce nouveau disque paru sur le toujours très exigeant et minutieux label Ici d’ailleurs, Mathias Delplanque construit une succession de tableaux entre chien et loup, sombres et mélancoliques, d’où il fait émerger avec la délicatesse du contrepoint, de l’équilibre ou même du déséquilibre, de la lumière. C’est une série de chapitres, Drachen 1 à 7 et Gandefabou qui pourraient s’envisager l’un sans l’autre, décontextualisés mais qui perdraient de leur intensité, de cette narration esquissée, un peu onirique, nébuleuse et troublante à laquelle nous invite Mathias Delplanque.
Mathias Delplanque semble avoir un fil, léger, pas très épais mais qui par la force du propos tient le disque, une colonne vertébrale qu’on devine plus qu’on n’entend et qui pourrait se comprendre (mais d’autres explications sont évidemment possibles) comme cette interrogation de Rilke : « tous les dragons de notre vie sont-ils des princesses qui n’attendent que le moment de nous voir un jour beaux et courageux ? ». Beau programme que ces dragons, nos propres terreurs, d’où sortent la beauté et le courage.
On entre dans Drachen 1, avec des petits bruits métalliques comme si l’on franchissait une porte pour sortir avec le morceau Drachen 7 en laissant derrière nous les derniers battements de quelque chose qui pourrait évoquer une horloge qui ne bat plus le temps, une horloge transformée, comme nous. Entre temps, que ce soit des influences revendiquées ou pas par Mathias Delplanque, on se laisse enfermer, par plaisir, avec ces morceaux qui peuvent rappeler Sun O))), Gospeed you black emperor, Mahler et Wagner. Comme chez eux, on retrouve un goût pour la construction patiente d’une ambiance romantique et torturée, pour ce mystère qui nous enlace et ne nous quitte plus, une fois que Drachen démarre. Gandefabou clôt le disque mais ne le ferme pas : le morceau apporte un changement de couleur qui donne envie de réécouter le début !
Contribue à cette part de mystère la façon dont Mathias Delplanque utilise les instruments, travaillant le son, le transformant, le rendant au final loin de ce qu’il était au départ. On reconnaît rarement les instruments, mais on laisse l’évocation faire les choses. Ce qui compte, c’est l’épaisseur, la texture. Drachen a le talent de ces disques qui parviennent à provoquer une émotion brute, instantanée et qui, dans le même temps, vous invitent à penser, à rechercher les comparaisons que l’on ne trouve pas avec cette musique rare et unique.
Photo bandeau Mathias Delplanque © John Sellekaers
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