Il m’est souvent arrivé de croiser Vincent Dupas aux abords des salles de concert de la région. Probablement parce que nous partageons un même goût pour une scène indé locale de qualité. Une scène à laquelle d’ailleurs, il contribue grandement en sévissant sous le nom de My Name Is Nobody, quand il n’est pas occupé à œuvrer pour Pneu, Fordamage ou plus récemment Binidu.
Quand à la fin du concert, vient le moment de quitter la salle et de rejoindre le parking silencieux, c’est souvent au volant de son van que Vincent repart, avec sous le bras, le vinyle de l’artiste qui vient de se produire sur scène. Un van qui me laisse songeur à chaque fois. Est-ce à bord de cet engin, qu’au fur et à mesure que les routes américaines défilaient sous ses yeux, Vincent rêvassait à la composition de The Good Memories, son précédent album ? Je ne le saurai probablement jamais. Pourtant, c’est comme si je le connaissais moi aussi ce camion, tellement j’ai pu user le diamant de la platine sur The Good Memories, un disque qui me donne à chaque fois, l’impression de partir pour un voyage sans fin sur les routes du pays de l’Oncle Sam. Et pour ce splendide Safe Travel, composé à Chicago avec Pillars And Tongue, le voyage est toujours à l’honneur, mais sous un aspect beaucoup plus méditatif et sensoriel.
Avec cette classe folk, caractéristique des compositions de My Name Is Nobody, Safe Travel nous emmène encore plus loin mais surtout, encore plus haut perché dans un trip contemplatif. Moins pop et moins structuré que ses précédents disques, Vincent Dupas laisse aller librement les cordes des musiciens de Pillars And Tongues. Sa fidèle guitare se fait bien plus discrète et c’est une belle lumière qui se pose sur les morceaux. Il nous convie cette fois-ci à prendre le temps de l’émotion. Celle que l’on ressentirait à l’observation des grands espaces américains, en haute altitude. En tutoyant la cime des Rocheuses de la manière la plus émouvante qui soit, Vincent Dupas tutoie également les grands disques. Safe Travel est un disque insaisissable, intemporel et sans attaches apparentes, comme un songe éveillé. Seul un bruit de moteur de van pourrait éventuellement faire décrocher de ce moment de plénitude, mais avec pour seul but, celui de reprendre la route.