Sans en avoir l’air, le groupe de hip hop angevin Nouvel R nous livre, au travers de son troisième album, une perspective fine et rythmée de la société contemporaine. « Les Yeux de la Foule » est une mine sonore de sensations mêlées à un jeu de langue pointu sur les modes d’existence des individus de l’époque. Neuf titres, s’enchaînant dans une cohérence troublante, décrivent des situations de vie, de la misère sociale aux incompréhensions individuelles. Le tout est calé sur le flot haché et soutenu des deux MC’s du groupe, porté par un fond musical composé de beats tantôt lancinants, tantôt ardus. Deux formes de compositions semblent tenir l’album. D’une part, des textes teintés de nostalgie et de ce regard poignant porté sur les maux de l’existence actuelle, aux sonorités mélodiques accompagnées de notes de piano ou d’une ligne de violon suave, avec la présence de refrains chantés et de choeurs marqués sur un tempo lent. Les deux titres qui symbolisent le mieux cette trame sont « Cueillir des Mûres » et « Le Bourreau et la Victime », avec un focus réalisé sur le mal-être d’individus en proie aux incertitudes. D’autre part, sur des rythmes bien plus rapides, des tunes tranchantes, décriant les biais qui traversent nos pérégrinations urbaines, médiatiques, professionnelles, etc. Une critique sociale qui touche toutes les franges, bien vue dans « Raccourcis » où les mots s’enchaînent sur les nombreux clichés de la société française, accentuée par une énonciation nominale, et tout le monde y passe (religion, croyances, classes sociales, préjugés…). Sampling, vivacité et verbe sans faux-col, Nouvel R dilate la focale et met en lumière ce qui est visible mais que trop peu de personnes énoncent, comme une photographie musicale sublimée par le morceau-phare de l’album : « Vie Normale » avec Dazz-La (MC londonien de Lotek HiFi) en featuring, véritable perle sonore et sensée qui ouvre « Les Yeux de la Foule ».
Crédit photo bandeau : LJ Wax
