Ce combo Nantais, dont les membres ont évolué dans de multiples groupes depuis près d’une vingtaine d’années, nous envoie une sacrée dose d’adrénaline et de rafraîchissement avec leur premier album. Leur style, le « Frat Rock », musique des cavernes (de Liverpool) qu’ils revisitent avec finesse, et qui trouve sa plus belle expression sur scène (à voir absolument). Certains ont hanté les nuits du mythique Blockhaus, ou y sévissent encore. Avec eux, les Sonics ne sont jamais très loin, de véritables passionnés par la musique black et le diamant du vinyle. Les « Royal » sortent d’ailleurs leurs premier opus « Friday Night Curse » sur le prolifique label Kizmiaz. Entretien avec Franck, bassiste du groupe et mods assumé.
Quel est ton parcours ? Tu vis de ta musique, tu as fait des études de Beaux-arts comme Yann le guitariste ?
Pas du tout, on bosse tous à côté, personne n’est intermittent. Le seul qui travaille dans la musique c’est Yann, lui en vit, avec le studio et les projets à côté, tout ça au Blockhaus DIY. Il a donc le studio d’enregistrement (My Studio), où il travaille principalement en analogique. Son truc c’est vraiment d’enregistrer sur bandes avec du vieux matos. Il peut faire des enregistrements sur demande pour des groupes. Et puis il loue le Blockhaus. Au-dessus il y a des graphistes, des architectes, plein de choses. Il y a un local de répétition, une partie studio (salle de prise), salle de mix etc. Son activité principale c’est l’enregistrement, et pour couronner le tout il a une graveuse de vinyle, il en produit lui-même.
Le nom du groupe a un rapport avec toutes les premières parties que vous avez assurées pour des groupes prestigieux, je pense aux « Fleshtones », ou à « Lisa and the Lips » ? Etes-vous souvent les têtes d’affiches ?
Les Fleshtones, c’était une fois avec la formation « The Other Guys », une fois avec les Royal Premiers… Pour notre nom, on avait d’abord pensé à « Royal », puis finalement « Royal Premiers » est resté. On trouvait ça marrant car en anglais, ça veut dire « Premier Ministre », et puis ça sonnait bien. Pour ce qui est des premières parties, effectivement on a fait Lisa and the Lips, mais normalement ça devait être Barrence Whitfield and The Savages, qui correspond carrément à notre style. Lisa and the Lips sonne plus soul 70’s, ça avait moins d’atomes crochus avec notre musique, mais ça reste un très bon souvenir. Après on a joué avec les Messer Chups à Saint Brieuc, un bon groupe de surf. On a fait aussi la première partie des Tokyo Sex Destruction (une grosse pêche)… Sinon beaucoup de concerts, notamment à Bourges au festival Cosmic Trip (mortel concert en ouverture aux « Trois Petits Cochons ») mais pas forcément de gros trucs pour l’instant avec ce groupe. On a joué aussi avec les Towerbrown de Grenoble, un groupe à orgue plus orienté « Mods ».
Et la scène ?
Vu notre style, on préfère les salles intimistes. Pour nous c’est le mieux, ça envoie le pâté ! D’ailleurs on a joué au Stakhanov… Après on joue un peu partout, on a la chance d’avoir un réseau qui nous permet de tourner. On joue à Paris, à La Mécanique Ondulatoire, et à l’ancienne Locomotive qui s’appelle maintenant Les Machines du Moulin Rouge (c’est juste à côté du Moulin Rouge), à Lyon, à Montpellier, un peu partout. En général, on aime bien les salles de petite capacité qui permettent une certaine proximité avec le public, un côté garage.
Peux-tu présenter le groupe ? Il y a-t-il un leader, comment vous êtes-vous rencontrés ?
On est plusieurs originaires de Redon, potes de lycée. On jouait dans le groupe The Immediates, je jouais avec Xavier (organiste). Quand je suis arrivé sur Nantes, j’ai rencontré Yann qui jouait dans les Star and Key of the Indian Ocean (groupe de surf), puis il est devenu batteur des Immediates (il joue sur l’album). Quand The Immediates s’est arrêté, avec Yann et Alan on a monté un groupe de mersey beat (1) qui s’appelait The Other Guys. On a enregistré des 45 tours et un album. Ensuite, on est passé au groupe Royal Premiers. On a commencé à faire du surf instrumental. Xavier et moi étions plus orientés rhythm and blues et soul. Dans le groupe, il y a Yann (batterie, guitare), Xavier – qui est revenu – (orgue), Benjamin – un copain- à la batterie, un saxophoniste, moi-même à la basse. La formation, c’est : « guitare, basse, batterie, sax, orgue »… Et puis il y a un nouveau membre, Jeff, au trombone. L’album est calibré pour une section de cuivre mais il y avait juste un sax. Vu la tonalité de l’album, on s’est dit que pour le live, il nous fallait des cuivres supplémentaires.
Comment qualifierais-tu votre musique ?
Ce qui nous qualifie le mieux, c’est le « Frat rock » ce que faisaient les Sonics, The Wailers, Don and the Good times. « Frat » ça vient de « Fraternity Houses », des maisons de jeunes dans les universités américaines. C’était souvent des petits groupes de blancs influencés par la musique black, rhythm and blues, à laquelle ils donnaient un traitement « punk ». C’est ce qui nous intéresse : prendre des morceaux black et leur faire subir un traitement à la Sonics.
Après les « Stars and Key » vous devenez les « Royal Premiers » faut il y voir une ascension hiérarchique ? Et « Royal Premiers » c’est pas un peu prétentieux comme nom de groupe ?
C’était un peu pour le fun, ça claque un peu, maintenant ça nous crée plus de problèmes qu’autre chose car quand tu tapes Royal Nantes, tu tombes plus facilement sur le Royal de Luxe. On n’a pas grand-chose à voir avec eux, enfin voilà…. Après fallait trouver un nom et c’était celui-là.
En voyant la pochette de votre dernier disque « Friday Night Curse », j’ai pensé à un disque de musique classique (la fameuse pochette avec le clavier)… C’est dur pour un musicien de choisir sa pochette ou c’est le label « Kizmiaz » qui vous l’a imposée ?
Non, le label ne nous a rien imposé du tout. Je dois dire qu’on a un peu galéré pour la pochette, ça s’est fait un peu dans l’urgence. On voulait un truc assez sobre, dans le style des pochettes de jazz « Verve » ou « Blue Note », des pochettes classiques et intemporelles. Après, on a l’impression que c’est un piano dessus, mais si tu retournes l’album, ce n’est pas un piano mais un Orgue Hammond. C’est amusant ta remarque, il y a un mec qui nous a envoyé un message nous disant « c’est marrant cette référence à Richard Clayderman ». Je lui ai répondu que ce n’était pas une référence, mais un hommage ! (rires)
Le label « Kizmiaz » (référence au titre des Cramps « Kizmiaz » littéralement « Kiss My Ass »), plutôt spécialisé « one man band » vous a signé. Comment s’est passé le deal ?
Dans une interview pour le fanzine bordelais Vicious Soul, on nous avait demandé sur quel label on aimerait être signés. Et on a répondu qu’on aimerait bien être sur Kizmiaz, ils sortent toujours des trucs pointus, ils font des super bons choix, etc. On ne pensait vraiment pas que ça les brancherait, eux qui font du « one man band », et des trucs plus dans l’air du temps. Nous, on a l’impression de faire des trucs en dehors des modes, ça sonne très « roots ». Yannick (un des boss du label) a lu l’article par hasard, il est venu nous voir et nous a dit « ça nous branche de sortir un truc de vous ». On était assez étonné, on pensait faire un 4 titres vu la production du label, mais il nous a demandé un album. On s’y est attelé, et finalement l’album est là. On est super content du résultat, ils font un super boulot, on est ravis d’être chez eux, ils sont très actifs, il y a un vrai feeling avec eux.
L’album s’intitule « Friday Night Curse », vous jouez plutôt le vendredi ? Il aurait pu s’intituler « the Royal Premiers » vu que c’est votre premier album, non ?
Il aurait pu… Comme tu as vu, il y a pas mal de reprises sur l’album. Celui-là, c’est une composition qu’on aimait bien. On a bossé sur un visuel de pochette qui correspondait à ce titre mais finalement on ne l’a pas gardé.
Mick Jagger disait à propos des sixties « ceux qui s’en souviennent n’y étaient pas »… Te souviens-tu du Blockhaus DIY au début des années 2000 ? As-tu une certaine nostalgie de cette époque ?
Je me souviens d’un des premiers concerts, c’était avec Daddy O Grande de Los Straitjackets, un groupe surf américain, avec Les Arondes en backing band. Le gars arrive au Blockhaus (il a l’habitude des tournées internationales), il me demande où sont les toilettes, je lui dis « follow me », alors on arrive au bas de l’échelle et je lui dis « c’est en haut ». Là il me regarde sans un seul sourire et me fait « It’s a joke ! », genre tu te fous de ma gueule (rires). Eh non je fais « non, non c’est là ! ». Je pense qu’il était un peu surpris de jouer là, pour un Américain… Mais il a fait un super concert, il était super content après. C’est vrai qu’au Blockhaus, il s’en est passé des choses. C’est là que j’ai découvert les Star and Key « une claque dans la gueule ». On a joué avec les Magnetix entre autres. Maintenant le Blockhaus est dédié à des expositions et autres. Il y a parfois quelques concerts, mais c’est très ponctuel.
C’est un passage obligé d’intégrer dans un disque quelques reprises imparables, comme ça se faisait dans les 50s et 60s ? N’est-ce pas une trop grande pression que de reprendre Gary Us Bomb, Les Searchers, Jimmy Smith comme vous le faites sur votre premier album?
Dans le style Frat Rock dont on est proches, les Sonics, Don and The Good Times faisaient des reprises. La reprise n’a jamais été un problème en soi. Le seul problème c’est de savoir si on en fait quelque chose de bien. Quelques reprises n’ont pas passé le cap de la répétition ou du live. J’ai lu une chronique de l’album qui disait que c’est hyper bien, les morceaux sont intégrés. « The Cat » de Jimmy Smith, qu’on adore particulièrement, passe super bien, je trouve… C’est notre culture « mods » qui fait ça. Les Fleshstones ont une approche équivalente, ils font des reprises obscures, par exemple « Comin’ Home Baby » de Mel Torme. C’est tellement dans le style, et ça ne pose aucun problème lorsqu’ils les jouent live ou studio.
Quels sont les cinq titres royaux ou cinq groupes ultimes pour toi dans l’histoire de la musique ?
En rapport avec les Royal Premiers, dans le style qui nous influence, je dirais Don and the Good Times, The Wailers, The Sonics, James Brown (du début, avant qu’il ne fasse du funk), et je vais ajouter un truc actuel, car ça se rapproche un peu de ce son : Nick Waterhouse.
L’idée des tenues de scène noires et blanches vient d’où ?
Ça nous est resté des « Other Guys ». C’est marrant, tout le monde a l’impression que ça donne un visuel super, mais finalement, vu qu’on est tous comme ça, les gens se concentrent plus sur l’écoute plutôt que de se focaliser sur le visuel. Et ça évite qu’ils y en a qui se pointent en short et en tongues ! Et puis aussi, c’est une tradition sixties, avec les Rolling Stones, les Beatles, les Kinks…
Dans votre style de musique fétiche, les précurseurs, Gary Us bombs, Barrence Whitfield, Jimmy Smiths sont tous noirs. As-tu la sensation de faire de la musique « black » et cela a-t-il un sens selon toi ce rapprochement ?
On est très influencé par la musique black car tout le monde sait que ce sont les précurseurs, les Stones n’auraient pas existé sans cette musique. La musique qu’on joue, le rhythm and blues vient de là. Mais on ne se pose pas la question. Ce qui nous intéresse, c’est de reprendre des morceaux pas forcément ultra-connus, même si un morceau comme « New Orleans » de Gary Us Bombs est un classique, les gens ne connaissent pas forcément Gary Us Bombs, mais ils connaissent le morceau. On rend hommage à cette musique, le rhythm and blues. Il y a un côté ultra dynamique, comme les Stones rendaient hommage au blues. Avec ce groupe, on se rapproche d’une musique « de danse », un truc pour le fun et pour danser. Cet après-midi, je regardais un reportage sur Lemmy de MotÖrhead à la télé. Je trouve ça très bien mais mis à part le headbanging…. Le rhythm and blues, on sait d’où ça vient, les blacks adorent bouger. Shake !
Avec quels groupes nantais ou français avez-vous des affinités ?
On nous rapproche souvent – à cause de l’orgue Hammond – du groupe Towerbrown. Sinon, on est très proches des Braqueurs, groupe parisien avec qui on a joué au Stakhanov – mêmes influences, sauf qu’ils n’ont pas d’orgue. Il y a aussi les Delta Bonds de Bourges. Un autre super groupe, super jeunes, les Gris-gris ; t’as l’impression de voir les Pretty Things. Et aussi, Les Terribles. Une anectote sur la chanteuse : elle jouait en parallèle dans les Dutroncs avec un chanteur anglais qui chantait en Yaourt… C’était excellent, il parlait très très mal français et ne faisait que des reprises de Dutronc, c’était à mourire de rire. Après, quand ce sont des musiques «sérieuses» tu peux plutôt passer pour un blaireau.
Quelques dates ou grands projets de prévus ?
On va défendre l’album à la rentrée, on va faire la tournée des popotes, Paris, etc.., on part généralement pour le week end. On a peut-être un plan espagnol avec Frankystein de Radio Lux. Il est bien branché par ce que l’on fait. Sinon, il y a des super soirées à Caen, «Le Week End Commence Ici», revival sixties, première partie concert puis DJ. A la rentrée, on aimerait bien jouer en Bretagne. Mais nous avons plus tendance à descendre dans le sud de la France … A la rentrée, il y aura des concerts à Nantes.
(1) « mersey beat » : Terme qui renvoie à la rivière Mersey de Liverpool, venant des groupes pré-Beatles période rock’n’roll jouant à la Cavern, Beatles « période Hambourg ».
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