REAL MAN

Ces derniers temps, le nom de Benoît Gautier est souvent revenu dans ces colonnes ou sur ce bout de toile. Son nom figure sur les pochettes d’After the Bees ou encore de Mauve Lunel (pour les plus récentes), deux beaux disques sortis ces jours derniers. Benoît Gautier est musicien, plutôt brillant, tant à la guitare qu’aux claviers ou piano. Mais son oreille, son approche du son, son sens des arrangements et des mélodies ont, dès 2009, poussé Mathilde en Juillet à en faire son réalisateur et complice. Cette confiance, de nombreux musiciens lui accordent désormais. Rencontre avec un altruiste discret qui milite pour l’indépendance.

 

Peux-tu te présenter, quel est ton parcours ?
Je viens des arts graphiques, j’ai fait l’école Pivot à Nantes, un parcours assez chaotique finalement avec une année de prépa, une année de dessin d’animation puis une année de web design. Mais je voulais faire de la musique depuis toujours. Je suis complètement autodidacte, j’ai pris quelques cours de chant il y a longtemps. J’ai eu plusieurs petits groupes, en tant que guitariste, et le vrai démarrage s’est fait avec Mathilde, Mathilde en juillet, ma première réalisation. Voilà cinq ans que je fais cela. J’ai aussi un trio sous mon nom que j’ai envie de relancer sous une autre forme.

 

Qu’est ce qui t’a poussé à travailler comme réalisateur ?
J’ai toujours bidouillé des magnétos cassettes, j’ai toujours adoré çà. À l’époque, Mathilde voulait enregistrer, moi j’avais très envie de faire çà plus sérieusement, je lui ai proposé, on a commencé comme çà. Je jouais avec elle depuis six mois, elle m’avait demandé de tout chambouler, on a tout chamboulé, les arrangements surtout, on a joué une semaine au TNT, c’était plein à craquer tous les soirs. On a enregistré très vite, car il fallait enregistrer très vite, vu le contexte. Et je suis fier de cet album, sur le plan humain c’était cool. Une belle chose ce disque. Pour en revenir au métier, c’est un peu du cas par cas. Certaines personnes me laissent carte blanche, d’autres me demandent d’intervenir sur une petite partie des arrangements. Me concernant, je fais les prises de son, le mixage et souvent, j’essaie de driver les musiciens, les mettre à l’aise afin qu’ils soient en confiance et donnent le meilleur d’eux même. Après, on discute de leurs morceaux, on tente d’optimiser l’énergie de chaque morceau, il y a parfois des choses en trop ou des manques. On retravaille des parties de batterie, de guitare, on double des voix. Tout cela permet de pousser les chansons plus loin, donner une autre version que celle qui sera donnée sur scène.

 

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Les choses sont finalement à la fois technique et artistique ?
Oui, j’aime le mélange des deux, et l’un ne va pas sans l’autre. L’artistique doit être suffisamment bien appréhendé pour que la technique vienne l’embellir.

Comment fais-tu passer les messages ?
Et bien, je dirai qu’en tant que musicien, je suis également confronté à la critique. Alors, je pense savoir comment amener cette critique en douceur. Il me faut adapter le discours en fonction de chacun, car tous les musiciens ne réagissent pas de la même manière. Et puis, il y a une part de psychologie, car quand on est en studio, on est nu, surtout les chanteurs. Il y a une part d’accompagnement, il faut laisser les gens prendre confiance, leur faire comprendre qu’ils sont aussi là pour essayer des choses, le studio est le moment pour çà. Cela amène parfois à des accidents carrément géniaux.

Tu sais assez vite vers où tu peux pousser le projet ?
Oui, et puis, je passe beaucoup de temps à discuter avec les musiciens, je leur demande ce qu’ils aiment, leurs influences, j’essaie de capter qui a quel rôle dans le groupe, quels sont les caractères, les parcours de chacun etc. J’adore çà.

Qu’est que cela t’apporte ?
J’apprends beaucoup de choses sur moi même.  Cela amène de l’humilité aussi. Je respecte beaucoup les musiciens, ils vont au charbon, c’est un parcours du combattant. J’espère leur apporter des choses de mon côté, et de mon côté, j’en retire plein plein de choses, c’est un véritable échange.

Tu interviens sur des compos ?
Rarement, même si la frontière entre compos et arrangements est très floue. J’interviens quand on me le demande. Ce serait plutôt de l’optimisation de compos quand on touche à des structures ou à des grilles d’accord. Mais c’est très rare.

 

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Quand on reprend les enregistrements pour lesquels tu as été associé, il y a pas mal de femmes. Comment expliques-tu cela ?
Oui, c’est vrai. Mais c’est le hasard. J’aime bien travailler avec les femmes, il y a un truc de l’ordre du lâcher-prise qui se fait plus vite et plus facilement. Peut-être que ce lâcher-prise fait que je m’implique plus facilement. Et puis, j’adore travailler les voix féminines, les femmes sont plus sensibles aux harmonies vocales.

Ce sont pour la plupart des gens qui évoluent dans des registres chanson. C’est voulu ?
Non, pas du tout, c’est plutôt un hasard. Je ne suis pas trop chanson à la base. Mais c’est à mon sens plutôt lié au bouche à oreille. Personnellement, je suis plutôt axé folk et pop-rock, et j’ai dernièrement découvert Nils Frahm, Douglas Dare, Agnès Obel, finalement beaucoup d’artistes jouant du piano, et pas mal de choses électro comme The Acid, des choses vers lesquelles je ne serai pas allé. J’avais sans doute besoin de me nourrir d’autre chose surtout l’an passé. J’ai toujours beaucoup travaillé et aimé travailler sur des univers acoustiques, et j’ai envie de travailler les contrastes avec l’électronique, des choses plus froides.

Le travail de la scène, comment tu le considères ?
Les deux aspects sont très liés, j’en ai moins fait depuis quelques années, et j’ai très envie de m’y remettre notamment via mon projet solo. La scène révèle les arrangements, les fondements des morceaux, l’énergie brute des chansons. En studio, je m’appuie sur ces fondements. Je vais voir les groupes sur scène avant de les enregistrer pour capter les intentions, et me donner des clés, ce que je dois mettre en valeur, ce qui est sur scène et qu’il faut retrouver sur disque.

 

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D’un point de vue statutaire, comment çà se  passe ?
Je suis travailleur indépendant. Et je dois avouer que c’est assez dur. Je suis pourtant attaché à cette posture d’indépendant, mais honnêtement, le RSI (Régime Social d’Indépendant) n’est pas aidant. Alors, il faut trouver des compléments de revenus comme des dates de concert, des ateliers pédagogiques.

Y-a-t-il des réalisateurs que tu affectionnes particulièrement ?
Oui, beaucoup. Je dirai Robin Leduc qui a travaillé avec June & Lula / Marie-Flore, Jean-Baptiste Brunhes connu pour ses réalisations pour Bertrand Belin et Emily Loizeau, Miguel Constantino (My Name Is Nobody / The Patriotic Sunday / Papier Tigre). J’ai dernièrement rencontré Matthieu Ballet qui a fait les préproductions de « Fantaisie Militaire » d’Alain Bashung, qui a travaillé avec Thomas Fersen, Miossec, Alexis HK. Il bosse depuis plus de 20 ans, et on a des points communs. Beaucoup de gens lui laissent carte blanche sur les arrangements, il adore travailler les cuivres, moi c’est plutôt les cordes. Techniquement, on travaille un peu de la même manière, notamment sur les choix de compression, les CUE, les placements de voix. Il y a dernièrement beaucoup d’artistes qui font un peu tout, qui se retrouvent réalisateurs de leur propre travail, comme Agnès Obel notamment ou encore Nils Frahm. J’aime bien cette idée de tout faire soi même, c’est paradoxal parce que je suis réalisateur et j’ai un studio, et que cela met en péril la profession. Mais on ne peut que reconnaître que beaucoup d’artistes le font bien et que cela donne une vraie liberté artistique. C’est le mouvement actuel, il ne faut pas lutter contre çà, il faut réinventer le métier, c’est tout.

Y-a-t-il des groupes ou artistes avec qui tu rêverais de collaborer ?
Oui, plusieurs groupes même : John Doe’s, Layenn, After the bees mais c’est fait ;). Je guette beaucoup ce qui se passe localement. Mais je suis plutôt animé en ce moment par l’idée de remonter mon groupe, j’espère avoir quelque chose à présenter en septembre. J’ai très envie de développer les aspects visuels, la vidéo, de suivre une résidence, d’avancer pour moi après trois ans que j’ai passé davantage pour les autres.

 

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Rédactrice en chef de ce site internet, chargée d'info-ressources à Trempo. Passionnée évidemment par la musique, toutes les musiques, mais aussi par la mer et la voile, les chevaux, la cuisine et plein d'autres choses.

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