Sixième article ressorti du site tohubohu, le live-report (paru initialement le 3/12/2014) d’un concert qui se tenait dans un tout nouveau lieu angevin, le Joker’s Pub, soirée avec trois groupes manceaux et angevins.
Pourquoi ? Parce que le Joker’s Pub est un café-concert des plus (si ce n’est le plus) actif de la région, parce qu’on a suivi et qu’on suit toujours de près San Carol, parce qu’un contributeur qui est biographe pour Le Camion Blanc (il est l’auteur de livres sur Depeche Mode, Placebo, Indochine, Rozz Williams et Nine inch nails) c’est quand même la classe, parce que ce même Sébastien Michaud connait la scène angevine comme personne, et que sa plume est toujours juste et animée.
Nouveau café-concert ouvert depuis tout juste un an, en plein centre d’Angers, le Jokers Pub a fait le plein ce samedi 29 novembre. Normal. San Carol joue à domicile. Salle presque comble pour le projet de l’Angevin Maxime Dobosz mais quasi désertique pour les Manceaux de La Peste, invités à ouvrir le bal. Desservi par des guitares curieusement sous-mixées, leur garage- punk vaguement psyché peine à décoller. A revoir, sans doute, dans d’autres conditions…
Autre représentant de la scène mancelle, programmé juste avant San Carol, The Dead Mantra offre en milieu de soirée un contraste saisissant… Si chaque revival accouche invariablement de son lot de suiveurs plus fans qu’inspirés, les Dead Mantra, eux, réchappent à cette définition en déroulant un rock shoegaze aussi jouissif que maitrisé de A à Z. Un « wall of sound » teinté de post-punk, revisitant 30 années de larsens, de reverb’ et de guitares barbelées : de Ride à Sonic Youth en passant par Slowdive, My Bloody Valentine et A Place To Bury Strangers… Ça joue fort. Très fort. En totale adéquation avec le visuel de la pochette de leur album « Nemure » (un intérieur de cathédrale), le chant noyé d’échos de Paul Boumendil apostrophe les anges dans un ciel gris anthracite. « Nothing left but faith », comme chantait le Cure Robert Smith… Mais foi en quoi? Assurément en la force de leurs morceaux et de ce cri primal assené durant une courte ½ heure. Violent, noir, désespéré. Bref, en langage rock, essentiel et intemporel.
Dès lors, quelle option pour San Carol ? Jouer aussi fort. Avec la même sincérité et la même rage. Balancer au public angevin, à la façon d’un uppercut, la « Pretty Hate Machine » qu’est devenu son projet en l’espace de seulement un an. Car oui, en marge d’un goût prononcé pour bon nombre d’artistes de la scène noisy/shoegaze, psyché, métal ou électro, notre homme s’affiche avant tout comme un fan transi de Nine Inch Nails. Ce qui inclut d’ailleurs, on en conviendra, quelques-uns des styles pré-cités…
Sorti à l’automne 2013 sur le label angevin Ego Twister, le 1er album électro-pop de San Carol, « La Main invisible », ne semblait pourtant afficher aucun lien de parenté évidente avec le rock indus’ du Sieur Trent Reznor. Un album majoritairement instrumental, inclassable, brassant avec un joli culot et un talent certain trois décennies de musiques synthétiques. Les « vieux cons » avaient cités à l’époque DAF, Suicide, ou encore Devo. « San Carol, ne fait pas du neuf avec vieux, il fait du neuf tout court », avait rectifié pour sa part le célèbre D.J tourangeau Rubin Steiner… So what ?
Un an plus tard, même s’il copule toujours activement en concert avec son Korg, Maxime a décidé d’électriser le propos en convoquant sur scène un gang soudé. Des musiciens entièrement à son service (Nine Inch Nails on vous dit !), efficaces mais jamais démonstratifs, issus pour certains des groupes angevins les plus excitants ou prometteurs du moment (Eagles Gift, Sheraf, VedeTT). Ce virage rock à 180%, confirmé dès les 1eres prestations live, n’attends plus désormais qu’à se matérialiser sur disque. « Les Martyrs », nouvel album à sortir dans les prochains mois, sent la « claque » à plein nez… Avant de tendre l’autre joue, le public du Jokers Pub a déjà droit ce soir à 5 extraits de l’opus en question.
Dès le 1er morceau, « Harmonie », le San Carol « new look » s’affiche sans esbroufe, direct, dépouillé. Batterie métronome, claviers en avant, basse élastique et guitares saturées. Maxime ne chante ni bien ni mal. Il donne tout ce qu’il a, d’une voix neutre mais assurée. De l’électro-punk, oui, mais susceptible de vous faire danser en douce sur les accents plus pop de « Cosmicia », véritable bombe en puissance du nouvel album, disponible depuis peu sur la compilation du label angevin Wild Valley. Avec son refrain presque trop triomphant pour être honnête, façon new wave anglaise 80’s, ce morceau révèle à lui seul toute la roublardise et la force de San carol : de la testostérone, du bidouillage synthétique, mais aussi de la mélodie vicieuse, qui ne vous lâche plus, brouillant autant les pistes que faisant la nique à tous les snobinards « indé » allergiques à la moindre idée de tube. Même constat quelques instants plus tard sur « Oxyon 777 », du Ultravox pur jus prenant progressivement du muscle, ou encore « Anthill », autre tube certifié issu du 1er album, défiguré pour la bonne cause sur fond de basse caverneuse.
La fin du set vire à la sauvagerie pure et simple. « Le Graal » et ses accents dance (au 1er abord seulement !), voit le machiniste en chef s’égosiller au micro avant de conclure sur une version hardcore de « Once Upon A Time ». Miaulements de chat enragé, chant incantatoire, hurlements et 1ers rangs baptisés à grand renfort de crachats de bière blonde. « Putaiiiin de San Carol !! », gueule Maxime avant de lâcher l’affaire. Une putain à qui l’on risque de faire longtemps les yeux doux…