Celui qui tenait la basse au sein de Pégase, Elephanz et Rhum for Pauline, se jette dans le grand bain du solo. Fort d’un bien joli clip et programmé au festival Scopitone, alors qu’il n’aura fait qu’un seul concert « de chauffe » comme il dit à la Péniche à Lille le 14 septembre dernier, Voyov se dit prêt et flatté par l’invitation nantaise de Stereolux, il jouera le 22 septembre au Ferrailleur. Rencontre avec Thibaud.
Photo bandeau : Voyov © Tamara Seilman
Pourquoi la musique ?
J’ai commencé à jouer très jeune, mon père était musicien et prof de musique en collège, et je suis rentré au Conservatoire de Lille en classe de trompette. A mon arrivée à Nantes, à 12 ans, j’ai arrêté la musique classique, j’ai glissé vers le rock, pour jouer avec les copains, j’ai monté un groupe de rock progressif/pop/jazz qui s’appelait Amnesia. A cette époque, on jouait dans les bars, pour la Fête de la Musique et j’y ai croisé pas mal de groupes dont Rhum for Pauline, à leur tout début. J’ai intégré Rhum for Pauline en 2008 je crois, Amnésia s’arrêtait car mes collègues partaient pour leurs études. J’ai ensuite rencontré les gars d’Elephanz quand ils sont venus voir Rhum for Pauline en concert, ils cherchaient un bassiste.
Le choix de la basse ?
Dès Amnésia, c’était la basse. J’ai voulu arrêter la trompette, sans doute un peu en opposition au père, jeune adolescent que j’étais. Et puis, la basse est un peu à l’opposé de la trompette. La trompette est un instrument acoustique, soliste, aigu. La basse est un instrument rythmique, d’accompagnement, grave, électrique. C’est tout l’inverse de la trompette. Mais toutes ces années au Conservatoire m’ont beaucoup servi, elles me donnent de l’instantanéité dans les compositions, dans les arrangements, les harmonies.
« Finalement, je n’ai jamais eu à chercher de groupe »
Ce sont les groupes qui sont venus te chercher, tu n’as même pas eu à démarcher ?
Oui toujours. Rhum for Pauline est passé de la formule duo à une formation à quatre, Elephanz m’a vu sur scène, et puis pour Pégase et bien Raphaël a repris le groupe Rhum for Pauline pour l’accompagner. Finalement, je n’ai jamais eu à chercher de groupe, mais ce sont un peu les mêmes personnes qui m’ont fait jouer.
Ceci t’a amené à monter ton propre projet Voyov ? D’ailleurs, ça se prononce comment ?
Comme tu veux, moi je dis Voyou. A la base, c’est Voyou, mais j’avais envie de mettre un V à la place du U pour le côté graphique, parce que ça fait un palindrome. Pour en revenir aux raisons de monter Voyov, j’avais déjà un peu cette envie lorsque j’ai créé Amnesia. Et puis, mon père m’a très vite collé un ordi entre les mains en m’expliquant les logiciels de MAO, de Guitar Pro à Cubase et Reason, et la possibilité de faire de la musique tout seul avec un ordi. Depuis que j’ai 12 ans, je bidouille et compose sur ordi des trucs que j’ai fait écouter à quasi personne. Tourner avec les groupes que j’ai cité m’a donné confiance et l’envie de faire mon truc.
C’est un projet vraiment en solo ?
Pour le moment oui, je pense que ça changera, c’est la 1ère version de Voyov. Je ne te cache pas que j’ai beaucoup tourné avec des groupes, c’est parfois casse-gueule, ça coûte cher d’avoir du monde sur la route. Et puis, j’ai vraiment envie de tenter le truc tout seul, de gérer mes petites installations. Mais j’apprécie tellement la musique en groupe que j’aurai envie de rajouter d’autres personnes au fur et à mesure. Etre front-man, me fait plus ou moins peur, mais j’ai envie de tenter le challenge.
Tu joues de plusieurs instruments ?
Oui, trompette, guitare, claviers et drum-pads. Je compose mes prods depuis Logic et sur scène j’utilise Mainstage qui est l’extension de Logic pour la scène.
« J’ai beaucoup écouté, via ma soeur et ma mère, cette génération de chanteurs que sont Polnareff, William Sheller ou encore Michel Fugain, et de musique classique et de jazz via mon père ».
Ton morceau « Les soirées » est assez influencé par des artistes comme Daho, La Femme etc., est-ce que ce sont des influences ?
Pour moi, c’est essentiel de chanter en français, c’est dans cette langue que j’ai le plus de choses à dire. J’ai toujours écouté beaucoup de choses en français, j’ai cette culture par mes parents, j’ai beaucoup écouté, via ma soeur et ma mère, cette génération de chanteurs que sont Polnareff, William Sheller ou encore Michel Fugain, et de musique classique et de jazz via mon père. Pour ce qui est des scènes actuelles, je suis assez fan de La Femme, de Moodoïd, des groupes du label Entreprise, c’est cette scène qui me touche vraiment et que j’écoute beaucoup. Mais j’écoute des choses très différentes et j’ai très envie dans mon propre projet de créer une fusion de ce qui me plait, tout en restant très attaché aux mélodies, à la pop, au rock et à la soul. J’ai beaucoup composé en tournée avec les groupes, en loge, en camion, et j’ai même l’impression que ma musique changeait en fonction du groupe avec lequel je tournais. Mais finalement, je me suis coupé des groupes et j’ai fait le tri sur mes morceaux.
Thibaud – Rhum for Pauline © DR
Tu rentres du Canada, peux-tu dire deux mots sur cette expérience de voyage, de pays, ce que tu y as trouvé musicalement ?
J’y suis allé avec ma copine qui partait travailler là-bas trois mois, avec mes instruments car je voulais profiter de l’expérience de trois mois de vacances pour terminer les morceaux que j’avais en chantier dans un environnement autre. J’avais du mal à les terminer, car trop la tête dans plein de trucs, souvent à croiser les mêmes personnes, très très souvent des musiciens, avec des sujets de conversation toujours orientés musique. J’avais besoin d’aller me nourrir d’autre chose, je reviens avec neuf morceaux terminés dont quatre composés là-bas ; je ne suis jamais allé aussi vite. Et puis, j’ai évidemment découvert un pays, j’ai pris le temps de me balader en pleine nature, en Gaspésie, avec un enregistreur et un carnet pour noter des mots. J’ai pas trop douté, je me suis mis à fond, je savais que je jouais à Scopitone alors que je n’avais qu’un titre sorti, j’avais un peu la pression, donc fallait y aller. Et puis, j’ai profité d’être là-bas pour me construire une structure de scène avec l’aide de Nicolas Duchemin qui jouait dans Robonom.
Est-ce que tu as découvert des groupes, vu des concerts ?
Oui, je suis allé voir pas mal de trucs dont des gros festivals. J’ai vu Radiohead, Gablé, La Colonie de Vacances au FME. Finalement, j’ai vu beaucoup de groupes français. Pour ce qui est de la scène canadienne, c’est étonnant à quel point il n’y a pas d’accompagnement, pas d’institutions publiques qui soutiennent les groupes, c’est purement DIY. Il y a beaucoup de petites structures privées qui s’activent pour la culture. Il y a une scène électronique expérimentale très importante. J’ai vu beaucoup de petits groupes du label Jeunesse Cosmique et des groupes pop rock. J’ai pris du recul sur les choses, en me disant que j’avais de la chance de bénéficier d’équipements comme Trempo, d’avoir un statut, d’être dans une ville ou je pouvais découvrir plein de groupes, notamment via Yamoy et le Pôle Etudiant. Je me suis rendu compte aussi que quand on tournait, on ne faisait parfois que 100kms d’une ville à l’autre. Au Canada, le pays étant ce qu’il est en termes de distance, c’est tout bonnement impossible. Ca rend les choses aussi très compliquées pour les groupe de là-bas, surtout les petits groupes. Bref, je relativise pas mal depuis ce voyage.
On va aborder le clip, peux-tu en dire quelques mots ?
Le clip a été tourné dans un atelier de deux copains, Pierre et Martin près de Nantes. Ils venaient tout juste de prendre le lieu et Martin qui travaille sur un projet appelé Demeure et jardin dans lequel il propose des performances musicales avec des explosifs. Tamara avait cette idée d’explosifs dans le clip. Comme le lieu était vierge, on a tout tourné là-bas. J’ai confié la réalisation du clip à Tamara Seilman dont j’aime beaucoup le travail, et j’ai sollicité des copains pour être figurants. On y retrouve des gars de Von Pariahs, ils dégagent un truc assez fort qui peut être un peu malsain, et c’est ce que Tamara recherchait pour le clip. Il y a aussi Clément de Elephanz, Clémentine Pasgrimaud et Aurélie Mazzéo qui sont des danseuses. J’ai confié la cuisine à un ami cuisinier qui a joué dans les Popopopops. J’avais montré à Tamara des clips qui me plaisaient, elle a très vite compris ce que je recherchais et elle a très vite trouvé l’idée. Ce fut une très longue journée, mais sacrément chouette !
« Le concert qui m’a retourné à Scopitone, je dirais Etienne De Crecy dans son gros cube, Daniel Avery et pleins d’autres trucs ».
Scopitone, quel en est ton meilleur souvenir en tant que public ?
Je vais au festival tous les ans, il y a toujours des groupes ou artistes qui m’intéressent. Je suis plus que content d’y jouer, surtout avec seulement un morceau en poche. Et puis, le Ferrailleur, c’est super, ça me laisse la possibilité de jouer plus tard à Stereolux. C’est un festival qui a une grosse portée, qui oriente beaucoup ses choix sur le numérique, les installations, le visuel et c’est un peu vers ça que j’ai orienté le live, me disant que quitte à être seul sur scène, autant rendre les choses un peu vivantes. Pour en revenir au concert qui m’a retourné à Scopitone, je dirais Etienne De Crecy dans son gros cube, Daniel Avery et pleins d’autres trucs.
La suite de ce concert, c’est quoi ?
J’aimerais tourner un maximum, mais prendre le temps, sortir des choses au moment où j’ai envie, ne pas trop me presser. Je vais sortir des singles ou des ep’s, des clips aussi, j’adore vraiment l’imagerie et la collaboration avec Tamara.
En concert le jeudi 22 septembre, Le Ferrailleur – festival Scopitone (Nantes)