Avec un nouvel album sorti au début du mois sur le label suédois iDEAL Recordings, le plus Australien des Nantais montre encore davantage son spectre international. Il montre aussi son hyperactivité, et surtout cette recherche sonore que l’enregistrement live vient mettre en exergue. Will Guthrie, au-delà de jouer une musique sans étiquette, si ce n’est « incongrue », figure parmi les musiciens les plus intéressants de la cité. Et comme jouer de la musique ne lui suffit pas, il organise des concerts et un festival. On a quand même réussi à le chopper lui qui est en partance pour le Canada.
Photo bandeau – Will Guthrie © Ariane Ruebrecht
Peux-tu nous présenter ton parcours, Will ?
Mes premières musiques étaient le hip hop et le punk. Après, j’ai été très vite fait attiré par le jazz avec sa complexité et ses interactions entre les musiciens. J’ai étudié le jazz et l’improvisation au conservatoire de Melbourne, où j’ai commencé à jouer dans beaucoup de groupes très différents (jazz, rock, musique africaine, flamenco) et où j’étais dans beaucoup de projets parfois en sideman (un batteur fonctionnel), jusqu’à ce que je quitte l’Australie pour l’Europe et la France en 2003. Depuis, je ne fais plus ou moins que mes projets à moi qui sont pour le plupart autour de l’improvisation et de l’expérimentation sonore, jazz, et rock.
Tu es musicien, organisateur de concert, très actif. Ton nouvel album s’appelle « Sacrée obsession », tu as une obsession pour la musique ?
Bah oui, je ne vois pas comment ça pourrait se passer autrement ! Pour moi c’est d’abord une passion, même un besoin parfois, mais c’est aussi un métier comme un autre. Mais mon métier ce n’est pas seulement être musicien, c’est aussi être organisateur de concerts, organiser des tournées, savoir sortir des disques, être débrouillard en gros, et tout ça, ça prend beaucoup de temps, donc c’est un peu tout le temps oui. Après, le titre du LP est en lien avec des idées et des sons qui me fascinent depuis très longtemps, qui reviennent dans mon parcours musical depuis plusieurs années dans des formes et des contextes différents.
Musicalement, tu sembles évoluer avec des sons très acoustiques. Tu as une démarche de recherche ?
Je suis très attiré par les sons très riches, pas forcément forts, mais riches, ronds et pleins, qui sonnent larges et pleins, qu’ils soient joués très fort ou peu fort. Donc beaucoup de gongs, de tambours larges qui vibrent, et pour ce disque une grosse caisse d’orchestre.
As-tu des inspirations et attirances pour certains pays où la musique est forte ? Si oui, lesquels ?
J’ai toujours écouté beaucoup de « black music », jazz, hip hop, musique africaine, musique indienne… Donc je pense forcément à New York, Chicago, Detroit, la musique malienne et congolaise. Mais aussi souvent dans les villes quand la musique est forte, c’est grâce à un mélange étrange de plusieurs cultures, je pense à Melbourne, Berlin, Londres …
Ce nouvel album présente deux morceaux live, c’est important pour toi de restituer du live sur disque ? Pourquoi ?
Ce n’était pas enregistré en live, mais pas en studio non plus. On a fait une face dans une chapelle, puis l’autre au Lieu unique. Les 2 faces ont donc été enregistrées en journée, sans public. Comme l’idée d’un studio tout sec n’est pas idéal pour ma musique, j’ai cherché 2 endroits avec beaucoup d’espace, de résonance et des acoustiques intéressantes qui vont bien avec mon choix d’instruments. Dans ce cas-là, beaucoup de gongs et de grosses caisses d’orchestre. J’ai voulu enregistrer dans le Chapelle Saint Jean à Mulhouse où j’ai joué et où j’ai vu plusieurs concerts très chouettes lors du festival Météo. Il y a une magnifique acoustique dans cette chapelle. Et puis l’autre face est enregistrée dans le salon de musique au Lieu Unique où il y a aussi une acoustique intéressante.
Parle-nous du label iDEAL Recordings…
iDEAL Recordings, c’est un label suédois, tenu par Joachim Nordwall qui est musicien, guitariste de Skull Defekts entre autres. J’apprécie beaucoup son label, c’est éclectique comme il faut avec d’autres artistes comme Jim O’Rourke & John Duncan, Kevin Drumm et EVOL. J’étais très content que iDEAL veuille sortir cet album.
Qu’aimerais-tu expérimenter que tu n’as pas encore expérimenté ?
Je sais pas, mais je vais savoir quand j’y serai ! J’ai envie de continuer d’apprendre, de développer certains aspects de ma musique. Parfois la route n’est pas toujours très claire, mais il faut chercher, fouiller, regarder, écouter… L’année dernière, j’ai pris des cours avec l’excellent percussionniste franco-indien Prabhu Edouard à Paris. Prabhu joue de la tabla, mais les cours étaient centrés sur la théorie rythmique de la musique du sud de l’Inde. Je n’ai pas pris ces cours en pensant que je voulais jouer de la musique indienne, mais plutôt pour essayer d’intégrer certaines idées de cette musique dans la mienne.
Le mois prochain, tu joues au Canada, à Londres, Berlin… Tu trouves facilement tous ces concerts ?
Facilement, non. Je ne sais pas, ça a toujours été difficile et ça va toujours l’être je pense. Là où c’est difficile, c’est d’essayer de jouer dans différents types de scènes: dans les SMAC (scènes de musiques actuelles), dans les scènes nationales, dans les endroits où la ‘musique expérimentale’ n’a pas forcément sa place. Je crois que ma musique peut toucher beaucoup de gens, donc si elle n’est programmée que dans les salles de musique improvisée, c’est dommage pour moi et pour un public potentiel. Toutes ces étiquettes qui vont avec ma musique (musique improvisée, musique expérimentale, etc…) ne servent pas ma musique, ni la musique de beaucoup d’autres. Il y a donc un vrai travail à faire pour voir les choses autrement.
Tes actualités à venir ?
J’ai plusieurs concerts prévus jusqu’à fin 2015, la plupart à l’étranger. Je fais partie de l’association CABLE# qui va organiser son 9ème festival en février 2016. Et en 2016, je vais faire un mois de concerts à Nantes, un tous les jours… Voilà, affaire à suivre! Merci !