YAN HART-LEMONNIER : EGO ET GO !

Yan Hart Lemonnier sort un 2è album ce 24 juin sur le label parisien Darling Dada. Valeurs modernes vient confirmer les affinités musicales de l’Angevin pour l’électro sous son versant pop dilettante. Le boss du label Ego Twister a tourné une page il y a un an, il n’en demeure pas moins toujours aussi actif et se concentre désormais sur sa musique avec en ligne de mire l’objectif de prendre du plaisir. Rencontre.

Photo bandeau : Yan Hart Lemonnier © Yan Hart Lemonnier

Comment tu te retrouves dans la musique, musicien et initiateur du label Ego Twister ? La rencontre avec la musique, tout ça..
Ca remonte loin et il va bien falloir faire court ! J’ai commencé à acheter des disques à 9 ans, de la pop mainstream bien sûr. Et puis, à l’âge où il faut trouver un truc pour intéresser les filles, je me suis acheté une guitare électrique plutôt qu’un skate board. Mais bien que passionné, je n’ai jamais été un musicien très productif, d’où certainement l’envie de monter un label. A l’époque je ne connaissais personne qui faisait ça, et ça me semblait être un parcours du combattant. Mais j’étais accumulateur (plus que collectionneur) de disques et j’avais très envie de me lancer. Finalement, sortir un disque en DIY c’est pas si compliqué. C’est une autre paire de manche quand il s’agit de les vendre !

Ca veut dire que maintenant,  monter ou gérer un label c’est perdre de l’argent ?
Non, pas forcément, même si on sait bien que vendre des disques aujourd’hui c’est extrêmement compliqué. Mais monter un label en DIY comme je l’ai fait, c’est surtout faire en amateur et bénévole trois ou quatre métiers en même temps, et je dois bien admettre que je n’avais absolument pas pensé à ça quand j’ai commencé. Forcément, il y a des choses que tu vas faire moins bien. Je l’ai fait pendant 12 ans, et j’ai fini par m’essouffler quand je me suis rendu compte que je n’arrivais plus à apporter aux artistes ce qu’un label est censé leur fournir. Il était temps pour moi de passer à autre chose.

Est-ce que ce 2è album est imprégné de tout ça ? De lassitude, de l’envie d’en découdre, de prendre une revanche ?
Ohlala pas du tout ! Au contraire, l’album est plutôt bon enfant et de bonne humeur, dans la lignée du premier. En fait, j’avais commencé un tout autre disque, un truc électronica très mélancolique, qui devait parler de la vie, de la mort, du souvenir et de mes parents… mais je ne l’ai toujours pas fini. Comme j’avais quelques morceaux en réserve, et quelques autres à finir, et j’ai eu envie de faire un disque avant ce projet moins léger. J’allais le faire en auto-production, mais des amis qui ont un label dont je me sens proche, Darling Dada, ont eu envie de m’aider à produire ce disque.  Je me remets donc à bosser pour moi exclusivement, à faire un peu de promo à la main comme à l’époque de mon label, mais sans la pression de me dire qu’il y aura peut-être un artiste déçu si ça ne marche pas. Moi, ça me fait plutôt plaisir : grâce à ce disque, je vais aussi pouvoir refaire quelques concerts, recroiser des gens que je n’ai pas vu depuis longtemps. Je n’ai pas d’autres objectifs, prendre un peu de bon temps en faisant de la musique.

 

Photo Yan_crédit_Frédéric ChobardYan Hart Lemonnier © Frédéric Chobard

 

Ce disque alors par rapport au 1er, différent ? Dans la lignée du précédent ?
Oui, c’est peut-être une suite. Il explore comme le premier un rapport à l’enfance et à la naïveté. Il est parfois un peu frénétique aussi. Et j’essaye toujours de transmettre ce sentiment un peu chaleureux, même dans les quelques morceaux un peu plus mélancoliques du disque. Mais il est différent aussi, ne serait-ce que parce qu’il est mieux produit que le précédent (j’ai fait des progrès en mixage !). Et puis il y a deux chansons dessus, ce que je n’aurai pas imaginé avant. Je suis vraiment passionné par l’idée d’une musique purement instrumentale. Mais j’ai aussi des amis chanteurs, et j’avais envie de collaborer avec eux. Il y a donc David Courtin qui a écrit et chanté le texte de Je ne peux pas danser, petite ritournelle pop marrante, et une chansons du groupe nantais Le Feu. A la base, il s’agissait d’un remix que j’avais fait pour eux et dont j’étais très content. J’avais demandé à Jonathan Seilman, compositeur et chanteur du groupe, de réinterpréter son texte en français exprès pour ce disque. Malheureusement, ça ne fonctionnait pas et j’ai décidé de le laisser en anglais. Je n’ai donc pas écrit ce titre, mais j’avais l’impression de me l’être assez réapproprié pour qu’il soit ici. Enfin, il y a une collaboration avec mes amis parisiens du groupe GNG, pour un instrumental parfaitement dans l’ambiance développée sur le disque. Mais c’est un titre que je n’aurais jamais réussi à composer tout seul !

Il y a d’autres collaborateurs dont tu rêverais ?
Oui et non ! En fait, je n’ai sincèrement aucun fantasme de collaboration avec des « célébrités »,  même parmi les gens que j’admire le plus. Par contre, j’ai très envie de faire intervenir de plus en plus de musiciens sur mes morceaux. Sur ce disque, il y a quelques prises de trompettes de mon ami Florent Laugeois (également chiptuner émérite sous le pseudo de Rachitik Data). Je connais d’ailleurs de plus en plus de musiciens qui jouent des vents ou des cuivres, et j’ai très envie de mélanger ses sonorités avec mes synthés. Je suis à peu près certain que mon prochain disque sera pleins de ces sons. Mais en fait, j’ai juste envie de collaborer avant tout avec des amis. Et j’ai un autre projet en tête auquel je réfléchis en ce moment : faire un album de chansons, avec les chanteurs que je connais, même et surtout avec ceux dont le style semble un peu éloigné du mien. Le tout exclusivement en français. J’aime cette idée justement parce que je ne suis pas particulièrement attaché aux textes, au chant et que ce serait un exercice de style dont le résultat pourrait me surprendre.

As-tu désiré une symbolique dans le titre ?
Ca vient d’une blague que j’avais faite sur Facebook il y a longtemps, où je poste beaucoup de conneries : une photo de moi avec un filtre à la con, que j’avais détournée en fausse pochette d’album electro french touch (tout ce que je n’aime pas). Et je ne sais pas trop pourquoi, je l’avais appelé Modern values. C’était bien avant de me lancer dans ce nouveau disque, mais quand je m’y suis mis dès le début j’ai trouvé marrant de reprendre ce titre, en le francisant (parce qu’en fait, je n’aime pas vraiment l’idée d’utiliser l’anglais pour nommer mes morceaux, ça n’aurait aucun sens). Mais il y a bien une signification. En fait, j’ai l’impression que ce que je veux faire passer dans ma musique n’est finalement pas très actuel, pas dans l’air du temps. Ce truc pas thrash, amical, gentil. ! Et comme le mot « moderne » ne désigne finalement plus rien de contemporain, le titre Valeurs modernes fonctionne bien, je crois. Dans ma com et mes visuels, tout part en général d’une grosse blague. Je n’arrive pas à envisager tout ça sous l’angle de l’art, ou de l’efficacité. Mais tout le challenge pour moi va être justement de m’éloigner un peu de ça, tout en gardant quelque chose de très perso. J’aime énormément l’electronica abstraite, très technique, sombre et futuriste, mais ce n’est finalement pas trop ce vers quoi je tends. En tout cas,  j’ai déjà mentionné les projets avec lesquels je pourrais le faire, et j’ai déjà un peu commencé à travailler là-dessus.

 

20160307_112038© Yan Hart Lemonnier


Tu évoques souvent la blague, tu as besoin de prendre les choses de cette manière là pour les faire ?
Je crois bien que oui. J’ai passé des années à essayer de faire les choses plus sérieusement, au premier degré. Et rien ne fonctionnait. Et j’ai réussi à finir et aimer des trucs en réussissant à y mettre plus de légèreté, et en acceptant que ça avait finalement peu d’importance. Prendre les choses de ce côté là, ce n’est pas une façon pour moi de bâcler ce que je fais, car j’essaye de bosser ma musique au mieux de mes moyens et de mes compétences techniques. Mais c’est presque un message en soi : ne vous la pétez pas trop, les musiciens, tout ce que vous faites ce sera toujours de la merde à côté des quelques notes des Gymnopédies d’Erik Satie.

Pour revenir à tes goûts, tu parles de « l’électronica abstraite et technique », qu’est ce que tu aimes véritablement dans cette musique et quels seraient les incontournables du genre ?
À vrai dire, le genre est très vaste bien que confidentiel. Et la veine « abstraite et technique » que j’ai évoquée plus haut n’est pas forcément celle que j’écoute exclusivement. Il y a dans l’électronica pas mal d’artistes qui introduisent beaucoup de légèreté et d’humour dans leur musique, ou qui mélangent ça avec un esprit plus « pop ».  Je ne m’attache pas trop en général aux incontournables. En musique, c’est plutôt le hasard et l’amitié qui me guident. Bon, j’ai mes monstres sacrés aussi (Felix Kubin, Mouse on Mars, Ryuichy Sakamoto, par exemple). Mais là maintenant, je conseillerais plutôt d’aller écouter l’excellent album éponyme de Klaten, en téléchargement libre sur le net label Da Heard It, c’est sombre et puissant, efficace et techniquement bluffant. Et bien entendu, toute les sorties de Darling Dada, le label qui sort mon album (toutes en téléchargement libre aussi) en particulier le dernier album d’Hassan K, Hykayat, l’exil accidentel. Pour revenir à l’electronica en elle-même, c’est le genre fourre-tout par excellence. On peut remonter loin dans ses origines (écoutez ce que faisaient Tom Dissevelt & Kid Baltan, ou encore Raymond Scott dans les années 50 !), mais je crois bien qu’on a commencé à utiliser ce terme vers la fin des années 90, pour qualifier toutes les musiques essentiellement électroniques qui ne rentraient plus dans les grosses cases. Et ça m’a captivé. A ce moment, j’ai vraiment eu l’impression que des artistes cherchaient à créer la musique du futur, en tirant parti de tout ce que les ordinateurs et les machines pouvaient permettre de nouveau. À partir des années 2000, les trucs cools sont devenus les trucs de revival :  cold wave ou garage, ou encore l’influence 60-70s et aujourd’hui le « psychédélisme ». On dirait que l’underground a abandonné l’idée d’inventer quelque chose. Plus tu sonnes « ancien », plus on peut te coller une étiquette de 40 ans d’âge, mieux c’est.  Je ne suis pas forcément un grand expérimentateur, je pourrais aller plus loin dans la recherche avec mes sons et les structures de mes morceaux, ou encore dans leur déconstruction. Mais j’ai toujours en tête cette envie de trouver et d’utiliser des choses peut utilisée en pop.

 

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LP Valeurs modernes © Christian Aubrun


Parlons de la scène, quelle forme vont prendre tes concerts et y en a-t-il déjà à annoncer ?
Je me suis monté un fly case plein de petites machines et d’effets pour le live : je n’ai plus qu’à le poser sur un pieds de synthé, l’ouvrir et le brancher pour jouer ! Il n’y a pas d’ordinateur sur scène, et je joue un peu de clavier (très mal, mais c’est l’occasion de déconner un peu avec ça aussi – j’utilise un vieux casio mythique, le CZ-101, un tout petit synthé à la fois kitsch et étonnant). Avec ce dispositif plutôt pratique, j’ai envie de me placer au milieu du public plutôt que sur une scène : pour entendre exactement la même chose qu’eux et me sentir un peu plus proche des gens au moment où je joue. Je ne chante pas, bien sûr. Même si mon live est plutôt fait pour danser, je n’envisage pas ça comme un truc « techno ». Je n’enchaîne pas les morceaux, et je parle aux gens entre les titres.  Pour l’instant, je n’ai pas encore commencé activement la recherche de dates, mais j’espère pouvoir jouer en septembre et en octobre (Je n’ai pas de tourneur alors écrivez-moi à yan@egotwister.com si ça vous intéresse!). En attendant, il y a deux dates pour cet été : le 24 juin à l’Olympic à Paris  pour la release party de l’album (https://www.facebook.com/events/105417989881839/), et le 30 juillet à Angers, en plein air au Héron Carré (avec aussi Amnésie et Drame).

Album en précommande sur https://yanhartlemonnier.bandcamp.com et http://www.darlingdada.com.
Deux extraits de l’album en écoute ci-dessous, écoute intégrale le 24 juin.

 

Bandcamp YAN HART LEMONNIER

Rédactrice en chef de ce site internet, chargée d'info-ressources à Trempo. Passionnée évidemment par la musique, toutes les musiques, mais aussi par la mer et la voile, les chevaux, la cuisine et plein d'autres choses.

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